Née le 24 janvier 1974 à Kati, dans la banlieue de Bamako au Mali, Rokia Traoré est une chanteuse, auteure-compositrice-interprète et guitariste malienne. Fille de diplomate, la chanteuse multiprimée aux World Music Awards (récompenses internationales pour les musiques du monde) est bien connue des plus célèbres salles de spectacles du monde où ses envolées lyriques ont fait voyager son public dans son Mali natal et dans les réalités africaines.
Cette grande artiste mérite le soutien de ses sœurs africaines, bien qu’elle soit aujourd’hui en difficultés pour une affaire privée, qui l’oppose à son ex conjoint concernant la garde de sa fille.
Un drame familial
Tout commence le 24 octobre 2019. Rokia Traoré fait alors l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la Belgique. Elle est accusée d’avoir enlevé, séquestré et pris en otage son propre enfant. Le père, son ex-compagnon belge, Jan Goossens, ancien directeur du Théâtre royal flamand de Bruxelles, est à la tête du Festival de Marseille. Il résiderait d’ailleurs dans la cité phocéenne depuis plusieurs années. Le tribunal de première instance de Bruxelles lui accorde la garde exclusive de sa fille. Une décision dont Rokia Traoré fait appel.
L’artiste accuse Jan Goossens de s’être livré à des attouchements sexuels sur leur fille. Ce dernier ne s’est pas exprimé concernant ces accusations. Rokia Traoré porte alors plainte à trois reprises. La première fois c’est en Belgique le 23 mars 2019, où la plainte est classée sans suite. Puis en France, où la procédure est toujours en cours et enfin au Mali. La justice malienne lui accorde la garde exclusive de sa fille. C’est en effet dans ce pays d’Afrique de l’Ouest que la petite vit depuis son plus jeune âge.
Vers une affaire politique ?
Mardi 10 mars, Rokia Traoré doit se rendre en Belgique pour assister à son audience auprès de la cour d’appel de Bruxelles. C’est lors de son escale à Paris qu’elle est arrêtée, selon son avocat, Maître Kenneth Feliho. Peu importe son statut de star internationale, peu importe son passeport diplomatique !
En arrêtant Rokia Traoré, la justice belge fait donc fi de la décision malienne et pourtant selon l’avocat de Rokia Traoré, « la Convention de la Haye prévoit que la résidence habituelle de l’enfant » prime dans l’affaire. « En principe arrêter une personne en possession d’un passeport diplomatique est illégal. Il peut y avoir une exception en cas d’affaire relevant de la sphère privée, mais dans les faits cela ne s’applique quasiment jamais », poursuit-il. Pour le moment, la diplomatie malienne n’a pas réagit.
Parmi les premières personnalités à s’exprimer publiquement, l’économiste sénégalais Felwine Sarr. Pour l’universitaire, cette affaire « reflète l’état des rapports politiques, juridiques et symboliques entre l’Afrique et le reste du monde« . Et l’intellectuel de rappeler une donnée statistique : « pour la plupart des couples mixtes, les femmes quand elles sont africaines perdent souvent à l’issue de contentieux post-union, leurs droits parentaux. Les hommes aussi, quand ils sont africains« . Le réalisateur malien Alioune Ifra Ndiaye affiche lui aussi, clairement son indignation sur son compte facebook.
Chez nous on dit : « courte queue se paie par courte queue »
Au bout de 2 mois de prison à Fleury Merogis et ayant décidé d’observer une grève de la faim, Rokia Traoré bénéficie d’une remise en liberté. Elle en profite alors pour regagner le Mali, où vit sa fille avec sa famille. Elle est partie le 9 mai 2020 à bord d’un vol privé, malgré un contrôle judiciaire qui lui interdisait de quitter la France, en plein confinement lié à la pandémie de coronavirus.
Pour l’avocat de son ex-conjoint belge, la chanteuse a fait « un énorme doigt d’honneur » à la France et à la Belgique en regagnant le Mali en violation d’une décision de justice. Pourquoi pas, si la France a ignoré son passeport diplomatique et l’a fait arrêter et envoyer en prison ?
« Elle a fait un énorme et incontestable doigt d’honneur aux autorités tant françaises que belges« , a estimé Me Mary. « J’ai des questions et la Belgique a probablement des questions pour la France : comment cela est-ce possible?« , a-t-il interrogé.
L’affaire met aussi dans l’embarras la diplomatie malienne à Bamako, où la fuite de Mme Traoré a été l’objet d’une rencontre avec les ambassadeurs de Belgique et de France. Le chef de la diplomatie malienne, Tiébilé Dramé, avait alors « saisi l’occasion pour inviter toutes les parties au dialogue en vue de privilégier l’intérêt de l’enfant, âgé de 5 ans », selon un membre de son ministère.
Garde alternée
Me Sven Mary, avocat belge de Jan Goossens, a affirmé être ouvert à une nouvelle conciliation avec la chanteuse à condition qu’elle se fasse sur la base de « la garde alternée » sur laquelle « tout le monde était d’accord » en 2019. Il s’est dit disposé à « se mettre autour de la table, que ce soit à Bamako, à Paris, Bruxelles ou n’importe où, « mais encore faudrait-il y être invité par Mme Traoré et ses avocats. « On ne voit rien venir », a souligné le pénaliste. « La seule négociation possible, c’est la demande de garde alternée, que M. Goossens puisse voir sa fille pendant les congés scolaires ».
Me Mary a laissé entendre qu’il pourrait demander à la justice belge le retrait du mandat d’arrêt si la partie adverse se rangeait à cette solution. Jan Goossens est un célèbre directeur de théâtre et dramaturge flamand. Il n’a pas vu sa fille « depuis 15 mois », selon Sven Mary.
Quelque soit l’issue de cette affaire qu’on espère heureuse pour l’intérêt de la fille de Rokia, l’Afrique se range du côté de la célèbre chanteuse. Si elle avait été blanche, jamais Rokia Traoré n’aurait été traitée de la sorte. Quoiqu’il en soit, tes sœurs te soutiennent chère Rokia et te souhaitent une vie meilleure sur le continent africain !