En effet les deux grandes fêtes musulmanes sont des moments clé dans la mode sénégalaise. Que ce soit l’habillement masculin comme féminin, les couturiers rivalisent d’imagination pour sortir de nouveaux modèles pour le bonheur de leurs clients. Certains d’entre eux, ceux qui refusent du monde, ont arrêté de prendre des commandes à J-30 ! Ceux-là ont leur griffe à défendre et malgré la tentation ils opposent un refus catégorique aux lève-tard qui brusquement, 15j avant, se rendent compte qu’ils n’ont rien à mettre pour la fête. A la limite, peuvent-ils encore présenter à ces gens-là des invendus qu’ils gardent de la dernière collection, mais s’engager à leur faire une tenue, surtout pas !
Et pourtant, le pays est en crise. L’argent ne circule pas, les ¾ de la population tirent le diable par la queue, mais quand la fête est là, on a l’impression qu’une main invisible vient injecter de l’argent sur la grande majorité. L’effervescence dans les marchés, principalement le marché des HLM est bien révélateur de ce changement de conjoncture.
Ici les commerçants ont fini de faire le tour du monde pour rapporter les tissus qui font tendance. Au-dessus de tout caracole le tulle. Appelé « till » par nos commerçants et concitoyens, le « till » se décline sous toutes couleurs et motifs. Par exemple le «till pobar » (ou tulle poivre) est une tulle agrémentée de perles, soit dispersées sur le tissu ou juste sur le bas du tissu par grappes ou par perle par perle, le till pobar fait absolument tendance pour cette tabaski. Les amatrices sont loin de calculer la canicule ambiante qui risque de rendre insupportable ce tissu qu’il faudra doubler avant de pouvoir le porter. Mais elles n’en ont cure. Ce qui compte c’est d’être belle ce jour-là.
Ailleurs le coton est roi. D’après nous, c’est le must en ces temps de chaleur. Mais hélas comme pour le « till », le tissu coton à la mode est comme une dentelle qu’il faut aussi doubler. Composer de jolis motifs de fleurs il y en a pour tous les goûts et toutes les couleurs. Les amatrices en feront des robes doublées et les plus âgées, des pagnes, style pagnes de Jeddah pas en satin comme avant mais en coton avec les plus beaux motifs sur le bas du tissu. Si le bazin getzner reste toujours indétrônable c’est surtout grâce aux hommes, car les femmes en ont presque fini avec le magnum gold (marque de bazin riche) en tout cas pour cette fête de tabaski. Il faut aussi noter que la guipure revient en force de même que le tissu brodé d’Autriche (qui n’avait pas vraiment disparu).
Bref je ne sais pas ce qui se passe sous d’autres cieux mais en tout cas ici au Sénégal, tant que la paix régnera, tabaski rimera toujours avec sangssé (l’art de bien s’habiller) !