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Ramadan 2020 au Sénégal : rien ne sera plus comme avant

Dans ce contexte de pandémie du coronavirus, c’est un ramadan inédit qui va débuter demain pour les musulmans du monde entier. Le Ramadan moment de solidarité et de partage particulier entre musulmans, prétexte aux grands rassemblements dans les mosquées et surtout au Sénégal dans des conférences religieuses de « werou koor », le Ramadan 2020 restera assurément dans les annales.

L’annulation de plusieurs pratiques

Dès l’apparition de la lune annonçant le début du mois de Ramadan, hommes comme femmes sortaient le soir pour aller accomplir la série de prières appelées tarawikh dans les mosquées. Après la prière, l’ambiance était bon enfant, causeries et rires animaient les rues et les devantures des maisons jusqu’à une heure très avancée de la nuit. Mais cette année, chacun devra prier chez soi, les mosquées étant fermées.

Aux environs de 4h du matin, commençait le défilé vers les boulangeries pour acheter du pain chaud pour le « heud » le petit déjeuner de ramadan. Cette année, couvre-feu oblige, il faudra acheter son pain à l’avance et le chauffer au four ou le manger ainsi, car le couvre-feu ne sera pas levé avant 6h du matin, le début du jeûne. Idem pour la prière de l’aube qui attirait les foules dans les mosquées. On y rencontrait même des inhabituels à cette heure

Les autres années, dès le 1er jour, les fameuses conférences fleurissaient à tout coin de rue, organisées par les amicales de femmes de tout bord, qu’elles soient des entreprises du secteur privé, ou du secteur public ou qu’elles soient juste des associations de femmes au foyer. On les appelle des dahiras (regroupement religieux). Ces conférences qui rivalisaient de faste et de décorations somptueuses commençaient à devenir un véritable casse-tête pour ces femmes. Elles devaient dépenser des sommes mirobolantes pour s’habiller du même tissu, pour fournir une enveloppe importante au conférencier et louer des bâches bien décorées pour abriter l’organisation. Les conférenciers aussi rivalisaient d’ingéniosité afin d’aménager un agenda qui leur permettra d’honorer deux à trois conférences par jour. Un véritable tour de passe-passe qui, selon leur célébrité, les faisait courir d’un coin à l’autre de la ville afin de gérer les engagements pris.

La réduction des dépenses

Covid 19 oblige, les dépenses seront bien réduites cette année. Fini ces fameux sukeurou koor qui faisait stresser beaucoup de femmes mariées, obligées qu’elles étaient d’offrir « le sucre du Ramadan » à leur belle-famille, sous peine de se voir dépréciées. Les dépenses prenaient une courbe vertigineuse même si le nombre de repas diminue. Le couvre-feu mettra fin aussi aux ndogous (iftars) organisés chez certaines personnalités aisées et renommées qui avaient fini par devenir le rendez-vous du tout Dakar. En effet, courus par de plus en plus d’intrus, ces tablées majestueuses de mets divers et de boissons de toutes sortes sans oublier les sucreries, les pâtisseries et les prestations musicales méritaient de gros titres dans les quotidiens de la place et les réseaux sociaux.

Les familles d’émigrés cette année sont particulièrement affectées. En effet, celles dont les ressources provenaient en grande partie ou exclusivement des envois de leurs époux ou enfants émigrés sont dans un total désarroi car leur pourvoyeur ne travaille plus à cause de la pandémie.

Le constat est le même chez les commerçants. Les affaires marchaient bien pendant le Ramadan, mais la peur qu’ont les gens de sortir et le souci qu’ils ont des lendemains incertains font que tous les commerces tournent au ralenti. 

Les avantages

Ce Ramadan 2020 ne sera plus un prétexte pour les mauvaises pratiques qui ont fini par distraire l’attention des croyants de l’essentiel, c’est-à-dire le jeûne, l’aumône, la prière.

Bien des musulmans ne se sentiront plus obligés de faire des dépenses de prestige et pourront tranquillement faire leur introspection et se reconcentrer sur l’essentiel. S’interroger sur le sens de la vie, le mode de fonctionnement de la société, et ce que nous sommes devenus.

Cette année, avec le confinement, la concentration sera de mise car personne ne pourra prétexter d’un programme à l’extérieur pour détourner le fidèle de l’adoration du Seigneur ni de prétexter du manque de temps pour revisiter le livre sacré qu’est le Coran. Ce sera un devoir pour tout musulman pour se recentrer sur l’essentiel, sur sa famile, sa société, sa patrie.

2020 sera après cette pandémie, une année charnière pour chacun de nous et devra nous faire réfléchir sur ce que nous étions, ce que nous devons être désormais. Mettons donc à profit ce mois de Ramadan pour réapprendre notre religion, relire le Coran et en tirer les leçons sur les pandémies et autres maux qui gangrènent notre société. Remettons l’être humain et les valeurs humaines au centre de nos vies.

credit photo : senego/dakaractu

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