Comme de nombreuses petites filles noires, Rokhaya Diop a grandi entourée de poupées aux antipodes de ses spécificités physiologiques. Pour son anniversaire sa nièce Binta, lui a demandé une poupée Reine des neiges. Elle s’est dit : « non, cette année ce sera une poupée noire. Ce fut un parcours du combattant d’en trouver une qui correspondait à mes critères. C’est ainsi que l’idée a commencé à germer de créer une poupée qui répondrait à mes critères tout en faisant plaisir à ma nièce. Binta, m’a inspirée pour créer les poupées noires et métisses qui lui ressemblent. »
Parce qu’elle adore l’Egypte, son histoire et tout ce qui s’y rapporte. “Urbi” en égyptien veut dire « princesse”, c’est un clin d’œil à toutes nos princesses africaines dit Rokhaya. Les urbidolls ont la particularité d’avoir des cheveux crépus et frisés comme les petites filles noires, des cheveux volumineux vraiment soyeux. C’est un genre de poupée qu’on ne trouve pas dans les magasins de jouets.
« Allez faire un tour chez Toys r’us ou dans les magasins de jouets, nous dit Rokhaya et vous constaterez que les poupées noires sont rares quand elles ne sont pas introuvables, et la variété laisse franchement à désirer. Nous sommes en 2017, et il faut fouiller pour trouver des poupées noires. C’est Aberrant ! D’ailleurs, ce constat est valable aussi pour les autres jouets. Du côté de la littérature jeunesse par exemple, il y a un manque de diversité criard, où il est extrêmement difficile de trouver un héros noir. Heureusement qu’on commence à voir poindre des projets replaçant les héros et héroïnes noires au centre des histoires. »
La différence entre les urbidolls et les autres poupées noires que l’on peut trouver se situe au niveau de la texture des cheveux. En effet, la plupart des poupées noires ont toutes les cheveux lisses et le fait que les poupées urbidolls aient des cheveux crépus ou frisés permet à la petite fille noire de mieux s’identifier.
« Jouer avec une poupée noire ou métisse permet à l’enfant de valoriser l’estime de soi, d’extérioriser son quotidien mais aussi de s’identifier à ce jouet. Une petite fille ne doit pas avoir honte de ses cheveux, ni de sa couleur de peau. L’estime de soi et la confiance passe par là aussi. Si ça peut aider les petites filles noires ou métissées à s’épanouir et à se représenter, j’en suis heureuse. » dit la jeune entrepreneure.
A la question de savoir si ces poupées sont exclusivement réservées aux fillettes noires et métissées ou bien également destinées aux fillettes blanches, pour leur faire découvrir d’autres poupées que celles traditionnelles, Rokhaya répond qu’elles sont pour toutes les petites filles du monde ! Les enfants noirs et métis ont besoin de poupées qui leur ressemblent et les enfants des autres couleurs peuvent avoir des poupées noires afin de représenter leurs copains de jeu. En effet, il faut enseigner et élever nos enfants à comprendre, accepter, respecter et apprécier d’autres couleurs et leur diversité culturelle est très importante dans la société d’aujourd’hui.
Pour Rokhaya, son initiative peut être considérée comme un acte militant si, à sa petite échelle, elle peut contribuer à changer les choses à travers le regard des enfants. En effet, si dès la petite enfance on arrive à éveiller la connotation émotionnelle positive de nos enfants quant à leur appartenance au peuple noir ou leur amour pour l’Afrique, surtout pour ceux qui grandissent loin du Continent, on aura réussi quelque chose d’important.