Pour beaucoup, la femme sénégalaise est une grande séductrice. Quel que soit son statut et ses origines, son arsenal de séduction est à la mesure de sa réputation. Debbosenegal a rencontré Penda Dieng, une femme pragmatique et créative qui s’est investie depuis une dizaine d’années, dans la fabrication et la commercialisation « de produits de charme », considérés à tort ou à raison comme des armes de séduction massive. Un tour dans l’antre de cette vendeuse permet d’avoir une idée de ce métier qui peut être appréhendé comme de l’économie populaire. Un segment où des groupes sociaux essaient de garantir, par l’utilisation de leur propre force de travail et par leurs stratégies individuelles et collectives, la satisfaction des besoins de base, matériels autant qu’immatériels. Penda partage son expérience et ses conseils.
Penda Dieng, 34 ans, mariée et mère de trois enfants est une femme des plus entreprenantes. Au marché des Hlm V, elle propose une large gamme d’astuces de femmes, constitutifs de l’arsenal de séduction. « L’idée m’est venue tout naturellement. Étant moi-même passionnée par la lingerie, aimant les belles choses, les belles matières, je me suis lancée toute seule dans cette aventure » affirme t-elle. Cette approche implique d’abord un regard sur soi-même.
Elle poursuit « Ce qui m’a motivé ? Pouvoir proposer aux femmes de la lingerie à un prix accessible à toutes. Toute femme est en droit d’attendre de sa lingerie, l’élégance, la féminité, le confort, et un excellent rapport qualité/prix. Je suis convaincue que pour être belle dessus, une femme doit tout d’abord se sentir belle dessous. »
Pour cette jeune femme pleine d’entrain, créer et gérer un commerce d’un tel type, ce n’est pas si simple. Autant le marché local laisse une grande place à l’imagination : petits pagnes colorés et affriolants, profusion de perles… autant il demande de la rigueur, de la perfection dans les finitions et un esprit de créativité sans cesse renouvelé. En effet, surprenant par l’originalité des noms qu’elle affuble à ses effets, elle nous présente fièrement des pagnes inspirés des arènes de lutte tels que «Grand combat», «Quatre appuis», en passant par «Internet». Elle offre également des parfums aux noms révélateurs comme «Salañ-salañ» ou encore «Thermomètre». Une autre vendeuse de perles et autres accessoires de séduction, voisine de Penda, de nous instruire sur la nomenclature cocasse de ces armes féminines. «Amoul nélaw», «dogalima», «facebook», «teudieul bountoubi», «amoul séral», pour n’en citer que les moins attentatoires à la bienséante pudeur sénégalaise. Certains petits pagnes sont tricotés à la main, avec des images éloquentes des desseins conjugaux de la majorité de nos femmes. «Les pagnes ont la spécificité de véhiculer des messages amoureux, parfois insolites. Certains d’entre eux célèbrent les vertus érotiques du conjoint en langue wolof. D’autres expliquent aussi le bénéfice matériel que peut tirer la femme de l’épanouissement sexuel du mari», dira-t-elle, confiant, un brin espiègle, qu’il y a des hommes qui viennent acheter ces choses pour leurs épouses. “La plupart d’entre eux préfèrent les nuisettes en maille.”
Abordant les sources d’approvisionnement, Penda soutient qu’il faut être à l’affût des arrivages de nouveautés en matières premières tels que les perles, le cristal, les fils de pêches et autres types de fils. Le circuit de distribution est monopolisé par les commerçants chinois ayant pignon sur la rue Petersen, et quelques rares boutiques de sénégalais qui importent les matières de Dubai, d’Inde ou de Chine, et dont la plus réputée est sise au marché Zinc de Pikine. Elle achète d’importantes quantités pour amoindrir ses coûts de production et les fait parvenir à la main-d’œuvre avec ses consignes d’exécution.
« Je suis fière de faire travailler des jeunes filles et des familles basées à Touba pour la plupart et qui excellent dans l’art du crochet et la fabrication des ceintures de perles. Ensuite, je récupère au fur et à mesure les réalisations avant de les écouler à Dakar, au marché HLM ou dans le cadre de ventes privées. Il m’arrive de temps à autre d’avoir des commandes de clientes sénégalaises immigrées en Europe et qui font de la revente. Mes créations sont à l’échelle artisanale, je rêve d’élargir ma clientèle à l’internationale car les gains sont plus substantiels mais enfin, cela demande beaucoup de préparation et un budget de production plus conséquent. »
La mévente, Penda Dieng, dite l’amie des femmes mariées ne la connaît pas. Elle continue de faire de bonnes affaires. «Je vends tout ce qui permet à une femme de ravir son mari, sans jamais avoir de coépouse», dit-elle en expliquant que cette période de fraîcheur est du pain béni pour son commerce.
Elle s’investit à fond dans cette activité à fort potentiel de clientèle et se bat pour assoir son commerce malgré la concurrence. Il faut se battre pour réussir. « Le premier conseil que je donnerais : croire en son projet et à ses idées. Ensuite, il faut avoir une réelle motivation, ne jamais baisser les bras, même si parfois ce n’est pas facile. Il ne faut jamais rien lâcher ».
« De plus, j’ai la chance d’avoir un mari qui m’épaule et qui croit aussi en mon projet, car je l’aide de par mes contributions aux charges du ménages à joindre les deux bouts. Et puis, malgré le temps que mon activité demande, j’arrive, en m’organisant, à pouvoir concilier ma vie professionnelle, familiale et personnelle ». Le fait de générer des revenus est une fierté pour elle, car elle se sent plus autonome et plus apte à pouvoir subvenir aux besoins urgents de la petite famille.
« J’ai pris confiance en moi, je sais pourquoi et pour qui je travaille. Ce n’est pas toujours simple, mais c’est tellement enrichissant et gratifiant.»
Pour Penda Dieng, entreprendre, est une manière d’exercer des talents artistiques en ce sens qu’il faut être un artiste quelque part en soi, pour pouvoir créer et développer un projet comme celui-ci. La création est partout, et un artiste sommeille en chacun de nous…