Notre coup de cœur en cette fin d’année va vers Aïssa Maïga, cette actrice sénégalo-malienne qui, avec d’autres actrices noires, ont donné un gros coup de pied dans la fourmilière du cinéma français, en plein festival de Cannes, pour dénoncer le racisme et les rôles insignifiants qui leur sont proposés.
D’origine sénégalo-malienne, Aïssa Maïga s’est installée en France avec son père à l’âge de 4 ans. Son père, célèbre journaliste malien, meurt en décembre 1987 à Ouagadougou dans des circonstances étranges. L’actrice est élevée par son oncle et sa tante à Paris, sa mère ne refaisant surface qu’une dizaine d’années plus tard. Pendant son adolescence Aïssa Maïga perd aussi un frère, une épreuve supplémentaire qui vient renforcer sa force de caractère.
Elle commence le théâtre dès l’école primaire, et débute sa carrière dans une comédie musicale des Folies Bergères à l’âge de 14 ans. Elle reprend son rôle au théâtre trois étés consécutifs. Continuant dans sa lancée, elle suit des cours au Conservatoire de Saint-Denis. Cependant, le cursus la déçoit et elle envisage d’arrêter pour devenir serveuse. Sa tante, comédienne amatrice, la pousse à continuer et à passer des castings. Elle décroche alors un rôle dans un court-métrage, Le Royaume du passage suivi de son premier long-métrage, Saraka Bo de Denis Amar, aux côtés de Yvan Attal et Richard Bohringer, qui raconte une enquête policière sur un meurtre commis dans une communauté afro. Après quelques petits rôles notamment à la télévision, elle collabore avec de grands réalisateurs comme Michael Haneke (Caché) ou Claude Berri (L’un reste, l’autre part). Elle se fait réellement connaître du grand public grâce à son rôle aux côtés de Romain Duris dans Les Poupées Russes de Cédric Klapisch en 2004.
Elle est nommée aux Césars en 2007 dans la catégorie Meilleur espoir féminin pour son rôle de chanteuse de bar maltraitée par son compagnon dans le film Bamako d’Abderrahmane Sissako. Sa carrière est définitivement lancée.
En 2018, dénonçant les stéréotypes qui imprègnent le milieu du cinéma français et le manque de diversité des rôles qui leur sont proposés, Assaï Maïga et quinze autres actrices noires ou métisses poussent un coup de gueule salutaire et appellent les productions françaises à plus d’imagination.
Leur manifeste Noire n’est pas mon métier (paru le 3 mai aux éditions du Seuil) est un véritable pavé dans la mare. Dans ce livre acide, 16 actrices dénoncent le racisme et le sexisme qui rongent le milieu du cinéma. Le jeudi 17 mai, elles ont enfoncé le clou : Sonia Rolland, Aïssa Maïga, Nadege Beausson-Diagne, Mata Gabin, Maïmouna Gueye, Eye Haïdara, Rachel Khan, Sara Martins, Marie-Philomène Nga, Sabine Pakora, Firmine Richard, Magaajyia Silberfeld, Shirley Souagnon, Assa Sylla, Karidja Touré et France Zobda ont assisté à la projection du film Burning, de Lee Chang-Dong. Elles ont monté les marches du palais des festivals de Cannes, main dans la main, belles et fortes. Et ont dansé sur le tube de Rihanna, Diamonds (clin d’oeil au film Bande de filles).
Ce fut l’un des moments plus forts de l’édition 2018.