C’était inscrit dans l’ordre naturel des choses, c’est arrivé ! Le clash entre Abdoulaye Wade, tout-puissant secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (PDS), et une frange légitime de la direction politique ne semble être que l’entame d’un long bras de fer dont le but ultime reste le contrôle du parti et de ses démembrements. Pour la première fois dans l’histoire de cette formation créée en 1974 pour être un « parti de contribution » aux côtés du président Senghor, le maître-fondateur se trouve acculé dans une position politique peu confortable qui le contraint à agir politiquement en sortant de l’immobilisme dans lequel il a figé le Pds depuis la chute brutale de mars 2012.
Me Wade est tombé dans son propre piège, celui échafaudé par ses soins afin de mettre le Pds au service des ambitions non avouées de son fils. En fait, Modou Diagne Fada, Aïda Mbodj, Mamadou Lamine Keïta et Cie lui posent une terrible question de bon sens : Cher maître, estimez-vous devoir encore rester secrétaire général de notre parti alors que vous avez déjà imposé votre fils Karim Wade comme candidat de notre parti à l’élection présidentielle de 2017 ?
Abdoulaye Wade, du fait de ses certitudes accumulées depuis de si nombreuses décennies sur la scène politique sénégalaise, n’a jamais attaché grande importance à ce genre d’interpellation. Mais la fronde de Fada et de ses amis, profondément politique car basée sur des revendications foncièrement politiques, est si frontale et si ciblée, sans être violente d’ailleurs, qu’elle l’oblige à avoir deux attitudes divergentes au choix.
La première est qu’il se réfugie dans la tactique de la fuite en avant, la moins courageuse, celle que son Adn de chef omnipotent lui dicte d’adopter. La seconde est qu’il prenne la mesure de la gravité de la situation, puis de s’engager dans une vraie stratégie de construction d’une alternance démocratique inclusive à l’intérieur du Pds en sauvant son propre héritage politique avant de passer la main à une autre génération.
C’est cette voie là qui a l’assentiment des frondeurs car non seulement elle répondrait aux exigences minimales de gestion démocratique interne d’une formation politique, mais elle éviterait également que ce qui reste du Pds ne finisse en lambeaux. Les leaders de la rébellion contre « l’immobilisme et le statu quo » ont certes indiqué que leur intention est de se « battre à l’intérieur du parti pour le réformer, pour le restructurer et pour renouveler » ses instances. Cependant, il est peu probable qu’ils acceptent ad vitam aeternam de rester dans le parti s’ils constatent finalement sa nature non réformable. C’est une vraie implosion qui guette le Parti démocratique sénégalais !
C’est donc à ce niveau qu’il sera possible de trouver les réponses liées à ce que pourrait être l’attitude de Me Wade parce que tout dépendra du degré de mainmise qu’il exerce encore sur le Pds, de l’influence qu’il est capable d’exercer sur les principaux leaders.
En attendant, ce début de crise dans le plus vieux parti d’opposition du plus fantasque opposant sénégalais rajoute de l’épaisseur aux soucis déjà préoccupants de l’ancien président sénégalais. Entre un fils qui commence à se faire oublier en prison et des « héritiers » avides d’organiser leur propre émancipation sans tutelle paternaliste, Abdoulaye Wade entre dans le dernier cycle de sa vie politique, duquel il sortira avec les honneurs ou avec les…horreurs.