Le Magal de Touba marque le jour de la célébration du départ en exil du fondateur du mouridisme Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. C’est l’occasion pour les disciples de la confrérie mouride de partir de toutes les villes du monde pour rallier Touba, ville sainte et capitale du mouridisme. Si le moment est propice au recueillement, il l’est tout autant pour le «déffanté» entre femmes partageant le même mari ou issues de la même famille.
Placé sous le sceau de la spiritualité, de la dévotion et du recueillement, le jour du grand Magal est aussi un moment où les femmes se livrent à autre chose. C’est un jour de fastes où l’on mange et boit à satiété. Si la nourriture et la boisson sont à foison le jour du Magal, la toilette l’est tout autant.
Car les femmes mettent un point d’honneur à s’illustrer dans le «déffanté» qui pourrait être défini comme un phénomène social où les femmes évoluant dans des ménages polygamiques ou au sein d’une famille rentrent en compétition en s’affichant avec leurs plus belles toilettes. Ce, dans le but d’épater le mari ou la belle famille ou simplement les amis. C’est ainsi qu’à l’approche de cet événement qui est grandiose chez la communauté mouride, les femmes font les boutiques les plus chics de Dakar à la chasse de ce qu’il y a de plus somptueux en matière d’habillements et de parures.
Khady Diémé, rencontrée au marché Dior des Parcelles assainies, est venue faire des emplettes. Elle n’est pas mouride, mais ayant des amies mourides, elle sait toute l’énergie déployée par ces dernières pour être pimpantes le jour J, dans l’unique but de s’illustrer dans le «déffanté». Elle confie : «Même si le Magal est un événement avant tout religieux, il revêt un caractère festif dans la mesure où les femmes mourides que je connais et fréquente y vont plus pour jouer dans le spectacle ‘déffanté’ que pour autre chose».
Poursuivant, elle explique que le but est avant tout «de montrer qu’on évolue dans un ménage aisé où le mari prend soin de sa femme. Elles cherchent avant tout à honorer le mari et par la même occasion à rabaisser la coépouse, si sa toilette est moins raffinée. L’idée pour ces femmes est de se faire voir sous son meilleur jour pour séduire son époux, sa belle-famille afin d’être créditées de commentaires élogieux. Elles sortent les gros moyens en se faisant belles de la tête aux pieds. Et le grand jour, elles se changent deux à trois fois, des toilettes toutes aussi belles et somptueuses les unes que les autres».
Souleymane, un fervent talibé mouride, vendeur de produits cosmétiques, nous livre sa pensée sur le sens du «déffanté» en soulignant le côté sournois qui le caractérise. Il affirme que «c’est une nouvelle manière de se faire la guerre entre coépouses. Les bons rapports ne sont que de façade en présence du mari. Chaque femme se prépare et se dit dans son fort intérieur le jour J, je vais lui en mettre plein la vue, elle n’y verra que du feu. Aussi sereins que peuvent paraître les rapports entre coépouses, il y aura toujours de petites rivalités, qu’elles soient manifestes ou dissimulées».
D’après lui, «les ‘Modou-Modou’ surtout de Touba ne sont pas réputés être des monogames. Leurs foyers sont polygames, quand ils reviennent pour le Magal, chaque épouse cherche donc à impressionner et son mari, et ses coépouses, et l’entourage. Chaque femme veut paraître avec les plus beaux boubous et les plus éblouissantes parures et même sentir les meilleures effluves. Moi vendeur de produits cosmétiques, j’en sais quelque chose, car à l’approche du Magal, je fais de très bonnes affaires avec mes produits cosmétiques de luxe. La clientèle féminine afflue à cette période. Pour ces femmes, c’est une manière de gagner des points pour son compte et d’en faire perdre aux rivales que sont les coépouses», explique-t-il.
Source Seneplus
photo : xibaru