Pour rappel, le samedi 18 Safar 1313, (le 10 août 1895) à 14h, Cheikh Ahmadou Bamba est arrêté à Jewol (actuelle région de Louga) par un détachement des autorités coloniales françaises. Il est exilé après un procès inéquitable, tenu dans la salle de délibération du Conseil Privé, sis dans la Gouvernance de Saint-Louis le 05 septembre.
A l’issue de ce jugement sans appel, le Conseil Privé décida « à l’unanimité, après avoir entendu les rapports de M. Merlin et Leclerc, et fait comparaître Ahmadou Bamba, qu’il y avait lieu de l’exiler au Gabon». « Jusqu’à ce que », disait-il, « l’agitation causée par ses enseignements soit oubliée au Sénégal ». (Sources : rapport du Conseil Privé, août 1895).
Une fois prise, à l’issue de la séance historique du Conseil Privé de Saint-Louis, la décision de l’interner au Gabon, Cheikh Ahmadou BAMBA fut transféré à Dakar où il parvint au soir du jeudi 19 septembre 1895.
Installé chez un indigène du nom de Ibra Binta GUEYE, le Cheikh, alors à jeun, se vit aussitôt convoqué par le Gouverneur de Dakar dont le courroux, se déversant sur lui, l’obligea à passer la nuit dans une cellule infecte dont l’inhospitalité marqua si fortement le Cheikh qu’il écrivit plus tard: « lorsque je songe à ce qui fut décidé, à ce Gouverneur et à ce cachot, me prend aussitôt l’envie de combattre par les armes; mais Celui qui éfface les péchés [le Prophète] m’en dissuade… »
Cheikh Ahmadou BAMBA embarqua finalement le samedi 21 septembre 1895 à bord du paquebot « Ville de Pernambouc » en direction du Gabon. Devaient s’en suivre près de 8 ans d’exil faits d’épreuves à Lambaréné et dans la jungle de Mayumba auxquelles il survécut. Le Cheikh, convaincu que toutes ces épreuves n’étaient que la volonté du Tout Puissant, les accepta et les endura avec foi et confiance et c’est le jour de cette arrestation et départ en exil qu’il choisira de fêter à son retour, en signe d’acceptation totale de la Volonté Divine, et en guise de reconnaissance vis-à-vis de son Seigneur.
C’est dans ce contexte que le Cheikh lâcha le mot « Berndé » » et invita les talibés à faire du Magal un moment de partage et à surtout varier les plats à préparer.
Et, depuis lors, le Berndé est entré dans le vocabulaire populaire des sénégalais en particulier des mourides qui, à travers cet acte perpétuent le vœu de Cheikh Ahmadou Bamba.
Selon Cheikh Ahmadou Mbacké, directeur adjoint de la bibliothèque Cheikhoul Khadim « Le magal repose sur trois piliers à savoir la prière, la récitation des khassaides et enfin le Berndé ».
Ainsi, le Magal devient un moment de grâce et de réjouissances pour rendre grâce au Seigneur de l’Univers. Mais c’est sous le khalifat de Serigne Saliou Mbacké avec son talibé Cheikh Béthio Thioune par ailleurs guide des « thiantacounes » nom donné à ses talibés que cet acte de dévotion et d’adoration gagne ses lettres de noblesse.
Par sa façon de célébrer le Magal, on finit par leur coller le nom de « thiantacoune », pour dire « celui qui rend grâce à Allah ». Ainsi le Thiant ou Berndé connait une autre tournure. Avec Cheikh Béthio Thioune c’est des milliers de volailles, de ruminants, des camélidés c’est à dire les chameaux et les dromadaires qui sont immolés, les fruits, les rafraichissements, rien n’est de trop pour célébrer le départ en exil de Serigne Touba Mbacké.
Pour l’occasion on met les petits plats dans les grands pour donner à manger et à boire à tous les pèlerins venus à Touba. C’est ainsi que dans chaque famille on fait le maximum pour satisfaire dans une joie débordante ses hôtes. Et dans cet acte d’adoration et de grâce on rivalise de plats et de prise en charge et ce sont les pèlerins qui y trouvent leur compte.
A Touba en cette période de Magal le Berndé envahit même la grande mosquée de Touba. Sur place, c’est des bols remplis et bien garnis avec tous les assaisonnements qui sont distribués aux fidèles.
Du côté des Baye Fall c’est aussi la même façon de faire, et c’est dans de jolis emballages que sont couverts les plats bien remplis de différents menus avec tout ce qu’un gourmand peut imaginer de succulent comme menu pour se gaver le ventre. Et, c’est par une procession que ces plats sont emmenés chez le Khalife général des Mourides dans une chorégraphie propre aux baye fall qui offrent un beau spectacle aux pèlerins, le tout accompagné de zikr.