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L’économiste Cherif Salif Sy : la croissance sera appauvrissante tant qu’elle ne sera pas portée par des secteurs créateurs d’emploi !

Dans le rendez-vous hebdomadaire de RFI Jeune Afrique, Eco d’ici, Eco d’ailleurs, du samedi 7 novembre dernier, le rand invité est l’économiste sénégalais Chérif Salif Sy, un économiste qui a toujours refusé de travailler au sein des institutions financières internationales. Voici un bref résumé de l’ITW avec cet éminent intellectuel sénégalais.

Cherif Salif Sy, économiste sénégalais qui a enseigné à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, a également connu une carrière de haut fonctionnaire en étant de 2000 à fin 2003 conseiller au Cabinet du Président de la République du Sénégal Abdoulaye Wade, puis de 2007 à 2009, à la tête de l’Agence Nationale du Conseil Agricole et Rural. Cet “observateur engagé”, “tiers-mondiste réaliste”, reste un pourfendeur des institutions de Bretton Woods et des politiques économiques en Afrique. Doutant de la réelle émergence du continent, il ne veut pas se “limiter à critiquer l’action politique” mais entend formuler aussi des “alternatives crédibles”.

L’économie sénégalaise

L’économie sénégalaise, comme la plupart des économies d’Afrique, est toujours dans une zone de turbulences et la principale difficulté vient toujours des institutions internationales, Banque mondiale ou Fonds monétaire international (FMI), qui se trompent souvent et persistent, avec une forte volonté de ne pas perdre le contrôle sur nos économies. Cela impacte fortement la capacité de décision de nos Etats. Depuis 1980, la politique économique et sociale se résume à la politique budgétaire. Le développement économique, c’est un pari, ce n’est pas se serrer la ceinture.

La Banque mondiale et Fonds monétaire international (FMI) se trompent souvent et persistent

Des institutions internationales qui changent ?

Je ne crois pas que ces institutions aient changé mais elles sont subtiles et animées de manière très intelligente. Elles ont la capacité de capter des gens comme moi qui sont dans la société civile et formulent des recommandations en phase avec ce que veulent les peuples. Elles arrivent même à les recruter. La mission de ces institutions n’est pas de faire le développement économique et social à la place des Etats. Regardez l’exemple des banques de développement, dont ces institutions ne veulent pas. Aucune région du monde ne s’est développée sans banques de développement.

Doing Business

Il faut prendre en compte ce rapport, comme d’autres, et bien l’analyser. Le Doing Business, c’est une volonté de formater nos territoires pour que le capital étranger s’y déploie dans les meilleures conditions possibles. Ce n’est pas autre chose. Ce n’est pas pour les entrepreneurs locaux et le développement local. Le Doing Business, c’est une volonté de formater nos territoires pour que le capital étranger s’y déploie.

L’agriculture

Au Sénégal, ce secteur a stagné. Depuis 20 ans, la valeur ajoutée de l’industrie et de l’agriculture stagne, car il n’y a pas les politiques vigoureuses nécessaires : injection d’argent, obligations de transparence pour ceux qui reçoivent les semences. Les pouvoirs réagissent par à-coup, ils ont une politique par secousse et ce n’est pas une bonne chose. Abdoulaye Wade a injecté des sommes colossales mais cette manne financière n’est pas allée où il fallait, vers les paysans. Cela a été capté par les intermédiaires. Toutefois, sur le plan de l’auto-suffisance alimentaire, il y a eu de vrais progrès car tout n’est pas venu d’en haut. Je citerai le cas de la production de riz dans la vallée du fleuve Sénégal.

Le recul de l’arachide

J’ai été très heureux lorsque le gouvernement a manifesté une volonté de diversification de l’agriculture. Je pensais dès la fin des années 90 qu’il fallait sortir du terrorisme de l’arachide, qui capte beaucoup de financements qui passe par des mains très douteuses : des intermédiaires qui sont souvent militants du parti dominant. Je me félicite donc du recul de l’arachide car cela a permis de diversifier la production agricole.

Le spectre d’une crise de la dette

L’Afrique est sur la voie de reconstituer le stock de la dette et c’est un sujet de vive préoccupation pour moi, surtout s’il s’agit de dette intérieure. Une nouvelle crise de la dette est possible. Joseph Stiglitz a écrit un texte il y a deux ans déjà sur ce sujet pour attirer l’attention des gouvernements africains. Il y a toujours des fuites de ressources extrêmement graves et qui continuent, même si les Etats en ont conscience et renégocient leurs codes miniers.

L’émergence, un mythe ?

Tant que la croissance n’est pas portée par des secteurs qui créent de l’emploi, on reste dans la croissance appauvrissante. Il faut que nous cessions d’être éblouis par des taux de croissance importants. Lorsqu’on évoque l’émergence de l’Afrique, on ne tient pas compte de ce qui fait vraiment l’émergence : l’industrialisation. Sur le continent, le taux d’épargne et le taux d’investissement sont trop faibles. Le 21ème sièce sera celui de l’Afrique, si elle se ressaissit.

Source Pressafrik

photo : actusen.com

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