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Le Parti socialiste : un parti misogyne ?

Comme on le lit depuis quelques jours dans la presse, le plus vieux parti politique du Sénégal, Le PS est en effervescence à cause du renouvellement de ses instances. Le nom d’une femme émerge à tous les coups et dans tous les articles et pour cause ! Il s’agit de Me Aissata Tall Sall. Celle qui a osé défier le secrétaire général actuel Ousmane Tanor Dieng, le grand OTD, en lui disputant l’été dernier, en juin lors du 15 eme congres, le poste de 1er du parti. Vous vous rendez compte ? Une femme ! Une nana, toute grande avocate à la Cour qu’elle est, ancien ministre de l’information, ancien député, éternelle porte parole du parti depuis des années, actuelle maire de Podor ! Comment a-t-elle osé ? L’affront est tellement gros que le retour de bâton est aujourd’hui d’une brutalité capitale. On parle de « crucifixion » ; de « mise en quarantaine », de « lapidation ». Elle aurait perdu tous ses mandats dans les instances de décision du PS. Elle n’est plus porte parole et n’assiste même plus aux réunions du comité. Bref, les superlatifs ne sont jamais assez forts pour qualifier la punition qu’on dit faire subir à la dame. A lire la presse et à écouter les petites fuites distillées par ci, par là dans les cercles politiques de Dakar, on en arrive à penser que le parti socialiste est un parti misogyne. Un parti qu’une femme ne peut pas diriger. Un parti qu’une femme ne doit pas diriger !

Or s’agit-il de cela  en fait ? A qui veut on faire peur ?

Ne parle t-on pas du parti de Senghor ? Du parti politique de Abdou Diouf ? L’un des piliers de la forteresse démocratique au Sénégal. Le PS en effet, a intégré les femmes depuis sa naissance dans les années 30. Héritier de la SFIO, du Bloc Démocratique Sénégalais et de l’Union Progressiste Sénégalaise, le PS avait, jusqu’ici promu les femmes en faisant par exemple de Carolyne Faye Diop, membre de l’UPS depuis juin 1954, la première femme député du  Senegal. Elle sera ensuite ministre en 1978 et aussi maire. D’autres bien-sûr étaient militantes du parti avec  elle comme Fatou Niang Siga etc.

Donc voilà un parti que les femmes connaissent bien et dont elles maitrisent le fonctionnement et les rouages car elles  en sont le socle et le fondement. Un parti qui, pendant des décennies, jusqu’à la fin des années Diouf,  a privilégié  le débat, l’échange et la démocratie interne.  Les gens de ma génération se souviennent bien de Arame Diène dans les années 80 qui pesait de tout son poids et de tout son leadership sur les décisions du parti, respectée qu’elle était par Abdou Diouf et les sages du PS. Aucune décision ne se prenait sans son avis. Elle a intégré l’assemblee nationale sans parler français en imposant ses questions orales en wolof sans aucun complexe. Et cette dame a fait beaucoup d’émules. Elle a formé des générations de femmes politiques qui ont suivi ses pas dans le parti et ont vite gravi les échelons dans les instances de décision comme le comité directeur. Et une d’elles a fait un parcours exceptionnel, il s’agit de Aminta Mbengue Ndiaye. Deux fois ministre de la femme et de la famille dans les gouvernements de Diouf, actuelle ministre de l’élevage depuis 2012 et présidente  du mouvement des femmes socialistes. Cette ancienne spécialiste de l’animation rurale a structuré les organisations de femmes en des groupements de promotion féminine (GPF) ; ce qui  a révolutionné la prise de conscience sur les conditions des femmes au Sénégal. Nous parlons donc de ce parti politique où le poste du numéro 2 est occupé par Aminta Mbengue Ndiaye ? Mérite elle ce poste ? Assurement ! C’est dire que droites dans leurs bottes, les femmes doivent tout faire pour révolutionner le parti socialiste. Ce n’est pas une formation rétrograde qui ignore le poids des femmes mais c’est une association d’intérêts qui selon les circonstances, préfère monter des « deals » improbables afin de maintenir un statu quo. Les femmes socialistes dans le souvenir de l’intransigeance de  la mère Arame Diène, doivent être plus solidaires et jouer le rôle de gardes fous au moment qu’il faut. Les femmes savent se parler et s’entendre. Elles maitrisent les interactions communicationnelles qui leur font créer du sens dans les situations où il faut prendre les décisions. Alors, le PS ne peut se permettre de jeter aux oubliettes cette richesse qui est un  leg des anciens et qu’il a en avantage sur les autres formations politiques qui ont moins d’histoire.

Le Sénégal compte plus de 166 partis politiques. Cependant, aux dernières élections présidentielles de 2012, seuls cinq partis politiques sortent du lot et totalisent 95 % des voix. Et le PS n’a pu totaliser que 11% de l’électorat national pour un parti qui a gouverné pendant 40ans le Sénégal ! Faut-il recréer un grand parti socialiste ? se demandent les militants. En tous cas, désormais, le Parti Socialiste est face à son destin : se renouveler, se remettre en cause, ou périr. Et c’est là qu’on attend le savoir faire et le savoir vivre de ces braves  femmes qui vont jouer de toute leur intelligence pour impacter positivement sur le renouveau socialiste. Il n’y a ni à bouder, ni à se glorifier, il y’a à réfléchir et à travailler main dans la main pour éviter de tomber dans les pièges et réussir à changer la démarche de l’intérieur parce que le jeu en vaut la chandelle.

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