Samedi matin à 11h, la Place du Souvenir accueillait du beau monde pour la réouverture du musée de la femme Henriette Bathily. En effet, le musée ayant déménagé de Gorée à Dakar, ses dirigeantes ont pris le prétexte de sa réouverture pour organiser une expo sur : la calebasse d’hier à aujourd’hui.
Beaucoup de femmes et d’hommes connus et moins connus ont fait le déplacement et étaient accueillies par de magnifiques jeunes filles, toutes vêtues de…calebasses ! Avant de couper le ruban symbolisant la réouverture du musée, plusieurs intervenants ont fait un exposé sur les différentes facettes de la calebasse.
Ainsi, Fatou Sow, sociologue et conseillère scientifique du musée, maîtresse de cérémonie pour l’occasion est revenue sur la génèse du musée de ses débuts en 1994 à aujourd’hui. Elle a rendu hommage à Mme Annette Mbaye D’Erneville, à qui on doit l’existence de ce musée, qui rend hommage à la femme sénégalaise à travers les temps, en passant par la marraine feue Mme Henriette Bathily et à des femmes comme feue Mme Adama Cissé qui ont administré le musée en lui donnant le cachet qu’il a aujourd’hui. Après elle, plusieurs intervenants se sont succédés pour décliner les différentes fonctions de cet objet incontournable dans notre culture, qu’est la calebasse.
De gauche à droite : Mme Maimouna Kane Touré, Mme Annette Mbaye D’Erneville, L’Ambassadeur de France Son Excellence Mr Jean Félix-Paganon
Après que Mr Racine Senghor, représentant le Ministre de la Culture ait délivré le message de soutien du Ministre de la Culture, Mr Mbagnick Ndiaye, et réaffirmé l’accompagnement dudit ministère dans toutes les activités que le musée aura à mener, Mme D’Erneville a tenu à ce que l’Imam de l’île de Gorée récite une prière pour la réouverture du musée à Dakar. Après avoir chaleureusement remercié l’Imam pour les prières formulées, elle a saisi l’occasion pour saluer et encore remercier toute la population de l’île pour avoir hébergé le musée pendant un peu plus de 20 ans.
Le Directeur de la Fondation Léopold Sédar Senghor, Mr Raphael Ndiaye entonnera un chant avec sa guitare en hommage à la femme. Puis les personnalités ci-après ont fait leur exposé sur le rôle de la calebasse dans notre société.
D’abord, Mme Khar Mbaye Madiaga, la célèbre cantatrice, a parlé du rôle que jouait la calebasse dans la famille africaine et qui se perd, à quelques rares exceptions. Elle a expliqué comment, la calebasse, une plante qui prolifère, est perçue comme un porte-bonheur dont l’utilisation dans toutes les étapes de la vie est de bon augure. C’est ainsi que la calebasse est utilisée lors du baptême du bébé pour contenir l’eau que l’on utilise pour lui raser les cheveux ; ensuite, au moment des fiançailles, il contenait l’argent de la dot que l’on apportait à la future mariée, pour faire proliférer les ressources dans le couple ; le jour du mariage, elle contient le lait caillé à boire pour le couple pour apporter et faire proliférer la progéniture. En cuisine, pour préparer le repas, le couscous en particulier, la calebasse est utilisée, quand on finit de manger, on utilise la calebasse pour se laver les mains pour éviter de manquer d’argent. Enfin, la calebasse accompagne le défunt à sa dernière demeure en signe de miséricorde divine.
El Hadj MBara Sène, ancien maire de Sokone, ancien des eaux et forêts parlera des différentes espèces de la calebasse. L’espèce qui prolifère, et donne la courge que l’on prépare dans la sauce du couscous, l’arbre de la même famille qui produit des fruits à l’aspect de saucisson où les femmes stériles accrochaient un morceau de leur pagne et devenaient par la suite fécondes, etc…Il a plaidé pour la réintroduction de la calebasse dans notre système agricole, car la calebasse nous vient aujourd’hui surtout du Mali (plus de 3.000.000 de pièces importés chaque année)
Mr Abdoulaye Keita ancien professeur de français, parlera de la calebasse en tant que patrimoine des peuples africains qui doit être transmis de génération en génération, chaque peuple ayant sa façon d’appréhender la calebasse. Ainsi, chez les peulhs il est interdit de voler la calebasse sous peine de voir son ventre grossir comme une calebasse avant la mort. Chez les balantes, une fille qui casse une calebasse n’aura pas d’enfants, à moins de faire plusieurs sacrifices, chez les mandingues, dans le couple chacun mange dans sa calebasse, si le mari ou la femme casse sa calebasse, le couple se brise, etc…
Mme Salimata Wade professeur à l’UCAD, pour qui la calebasse est une biodiversité alimentaire qui se perd et une ressource agricole ignorée. Elle a plaidé pour la restauration de la culture et de la consommation de la calebasse qui doit être un élément important de la gastronomie de chez nous.
Mr Khalifa Dramé artiste designer, le précurseur du renouveau de la calebasse au Sénégal, pour qui la calebasse est le 1er produit domestiqué par l’homme, plus de 12000 ans avant Jésus Christ. Il affirme que la calebasse respire mais ne transpire pas. Elle doit retrouver sa fonction de récipient de cuisine et de vaisselle, car elle contient beaucoup d’éléments nutritifs. En médecine, la calebasse a un effet médical avéré dans le traitement du diabète, des cancers, des dermatoses. En art, la densité de la matière permet plusieurs variations, et toutes les couleurs peuvent être appliquées sur la calebasse. L’expo nous permettra d’ailleurs d’apprécier le génie de cet artiste et toutes les déclinaisons qu’il a faites de la calebasse.
Enfin, pour clôturer la conférence, Mme Annette Mbaye D’Erneville reprendra la parole pour remercier encore une fois les habitants de l’île de Gorée, son fils Ousmane William Mbaye, cinéaste, qui lui donna l’idée de créer le musée, le responsable de la traversée Dakar-Gorée qui a mis plusieurs chaloupes à la disposition des responsables du musée pour permettre le transfert du musée à Dakar, l’Ambassadeur de France, Son Excellence Mr Jean Félix-Paganon, présent parmi les invités, qui les a soutenus et a mis les ressources françaises à leur disposition pour transférer et conserver délicatement les objets du musée, et les autorités du ministère de la culture qui ont mis à la disposition du musée une conservatrice, en la personne de Mme Mélanie Goudiaby. Elle a aussi vivement remercié Mme Adja Sy Ba, administratrice de la Place du Souvenir qui a accueilli chaleureusement le musée.
A la fin de son discours, elle invita tout le monde à se rendre au niveau de l’entrée du nouveau musée de la femme Henriette Bathily pour la cérémonie de la coupure du ruban (plutôt de la corde ce jour là), où des jeunes dames, assises à même le sol tapaient le tam-tam sur des calebasses plongées dans des bassines d’eau en assurant ainsi un beau spectacle et une bonne ambiance. Le reste vous le découvrez ici avec les photos que debbosenegal a pris pour vous à cette occasion. Tout simplement magnifique ! L’expo sera en place pendant 6 mois.
Photos : Kabe
Merci pour ce Très Bon Reportage et l’invitation a vos lecteurs de visiter le l’exposition..