La transformation des céréales locales comme activité commerciale est assez récente au Sénégal et comme toute entreprise humaine à ses débuts, elle tâtonne et cherche à se frayer un chemin dans un marché de plus en plus ouvert. Bineta Koné Coulibaly, pionnière dans ce secteur de la semi-industrie travaille à relever les défis à travers une nouvelle vision : la transformation des céréales en produits finis. Son crédo : aider les femmes africaines qui ont de plus en plus des activités hors foyer, dans la préparation de plats liés à la cuisine traditionnelle, par la mise à disposition de produits pratiques économiques, hygiéniques et conservables et contribuer ainsi à l’allégement des travaux domestiques de la femme et à sa promotion économique. Derrière l’ingéniosité et la créativité de cette battante, se cachent certains malaises dus à des facteurs endogènes et exogènes. Et pour réussir, il faut créer les conditions nécessaires à savoir, aplanir les obstacles tels que l’approvisionnement incertain des matières premières et l’absence d’équipements appropriés, le manque de trésorerie. Selon elle, la mise en place d’équipements adéquats, une disponibilité suffisante d’intrants de qualité et une bonne organisation de la commercialisation sur toute la filière devraient sous-tendre cette nouvelle politique agricole initiée par l’Etat du Sénégal dans le cadre du plan Sénégal Emergent (PSE).
Bineta Coulibaly, fondatrice de LA VIVRERE, plusieurs fois lauréate du prix de la qualité décerné par la délégation de la commission européenne dans le cadre de son programme de promotion des céréales locales, ne s’est pas immédiatement jetée à l’eau. « J’ai dû mûrir mon idée pendant quatorze années durant lesquels je me suis investie dans l’apprentissage de la gestion d’une entreprise. Animée d’une volonté de fer qui avait pris sa source dans une parfaite confiance envers le produit et un auto-engagement à parvenir au but visé, j’ai dû entreprendre de longues études sanctionnées par la Maîtrise es- Sciences économiques à l’UCAD et le D.S.G.E au CESAG. » nous dit –elle. Elle a ensuite pratiqué l’entreprise privée pendant onze ans auprès d’une banque de la place, afin de s’habituer à l’environnement du secteur privé, si différent de celui de l’administration publique, dans lequel elle avait évolué seize ans auparavant. Et en août 1992, elle a eu l’opportunité de participer à un séminaire sur le développement de l’esprit d’entreprise. Et, contrainte par les exigences de l’atelier de créer une entreprise à faire fructifier en quinze jours, ce fut pour elle le déclic qui la plongea définitivement dans le métier. A l’évaluation, l’entreprise LA VIVRIERE avait remporté le prix d’excellence. C’est donc pendant ce séminaire, qu’en sa qualité d’ingénieur des travaux de statistiques de formation, âgée de 42 ans à l’époque, mariée, mère de six enfants que la VIVRIERE a vu le jour. Son capital initial d’un montant de 35.000 FCFA a été emprunté à sa mère, dans l’espoir qu’avec sa bénédiction, cet argent lui porterait bonheur. Et à partir de fin 1996, elle décida de quitter son poste confortable de cadre à la BHS pour se consacrer exclusivement à l’administration de son entreprise en expansion, qui venait de bénéficier d’une subvention non remboursable, de la part du CDE.
De 1992 à nos jours, l’entreprise la VIVRIERE a beaucoup évolué. De la petite exploitation artisanale, utilisant des ustensiles de cuisine domestiques et de la main d’œuvre familiale, elle est devenue de nos jours une PMI, mécanisée à 90% et employant aujourd’hui une centaine de personnes, essentiellement des femmes.
L’entreprise utilise trois types de matières premières : le mil, le maïs et le niébé. Les produits de la VIVRIERE sont commercialisés sous la marque « WIIW » et concernent le thiéré ou couscous avec ou sans lalo, le thiacry, le araw, les brisures de mil (sankhal) et de maïs et les farines simples ou composées. Elle produit 14 types de produits qui se positionnent en haut de gamme et ciblent les ménages à revenus supérieurs à la moyenne et ne disposant pas de temps à consacrer aux longs travaux domestiques. A l’origine, ces produits étaient vendus au porte à porte seulement, aujourd’hui, ils sont présents sur les rayons des grandes surfaces, des libres services des stations d’essences, des superettes et des boutiques de quartiers ainsi que chez des grossistes dans les marchés populaires. Les produits Wiiw sont également exportés directement vers les pays d’Europe, mais indirectement aux USA, au Canada et timidement en Afrique et en Asie par des clients exportateurs. Actuellement, une grande firme européenne de distribution commercialise les produits WIIW en Europe (UE).
La VIVRIERE a toujours développé une politique générale d’entreprise basée sur des valeurs telles que le respect des engagements et la qualité des produits, ce qui lui confère d’être triple lauréate du prix de la qualité de l’Union Européenne en 1998, 1999 et 2001 (prix spécial), dans le cadre de ses programmes annuels de promotion des céréales locales au Sénégal.
Toutefois, parmi les facteurs de succès, on peut noter sa bonne connaissance du secteur, la confiance des acteurs et partenaires quant au savoir-faire de l’entreprise, la qualité de ses produits et de l’effort et du cœur que l’ensemble du personnel y met pour inciter à la consommation des produits locaux.
Mais au-delà de l’activité, il y a des enjeux et des défis que l’agriculture sénégalaise doit relever. Aujourd’hui, pour aider à l’émergence d’entreprises telles la VIVRIERE, il s’avère nécessaire de passer à une intensification de l’agriculture par la culture industrielle du mil et autres céréales et légumineuses tels que le niébé. Cela aura l’avantage de rendre nos produits plus compétitifs et mieux aptes à contribuer au développement des exportations portant le label sénégalais, vers le reste du monde. En sus de participer largement à la constitution de la valeur ajoutée nationale, l’intensification de la production et de la transformation des produits locaux contribuera également à équilibrer la balance commerciale en incitant la population à consommer les céréales locales à la place du riz importé, gros consommateur de devises. Et enfin, cela va freiner l’exode rural, le chômage, la pauvreté et surtout l’émigration de notre jeunesse.
Macha allah debbo senegal et mention spéciale a la fondatrice de la vivrière je veux binta coulibaly