« Au niveau du futur, ma vision est celle d’un web de connaissances reliant individus, organisations, pays et continents. Les travaux que nous visons pour améliorer la coopération entre entreprises et communautés via la constitution de « webs de connaissances » sont en phase avec l’objectif visé par l’Europe d’évoluer d’une « société d’information » vers une « société de connaissances » : Rose Dieng-Kuntz.
Ce nom est peut-être inconnu du grand public mais cette grande dame du monde scientifique et informatique a porté si loin les couleurs du continent qu’il serait injuste de ne pas lui rendre hommage. De plus, son expérience de vie ne peut qu’inspirer la jeunesse africaine.
Rose Dieng est née au Sénégal en 1956. Elle fit un brillant parcours au Lycée Van Vollenhoven de Dakar (actuel lycée Lamine Guèye) avant d’être la première femme africaine à être admise à l’école polytechnique en 1976.
En 1972, elle remporta au Concours Général sénégalais :
– le premier prix en Mathématiques
– le premier prix en Français
– le premier prix en Latin
– le deuxième prix en Grec
La même année, elle fut reçue au Baccalauréat section scientifique avec mention Très Bien et les félicitations du jury.
C’est par la suite qu’elle quitte son Sénégal natal pour la France où après les classes préparatoires, elle intégre la célèbre section X de l’Ecole Polytechnique de Paris en 1976. Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications, d’un DEA en informatique et titulaire d’une thèse sur la spécification du parallélisme, elle fait ses débuts à Digital Equipment puis intègre l’INRIA (l’Institut national de recherche en informatique et en automatique) en 1985. Après un parcours brillant, et plus de 200 publications scientifiques, elle reçoit en 2005 le prix Irène Joliot Curie, récompensant la Femme Scientifique de l’année en France. En 2006 elle est nommée Chevalier de la Légion d’honneur française mais décèdera deux ans plus tard, à l’âge de 52 ans, des suites d’une maladie.
Rose Dieng-Kuntz était jusquà son décès directrice de recherche INRIA et responsable scientifique du projet ACACIA (Acquisition des connaissances pour l’assistance à la conception par interaction entre agents) à l’INRIA Sophia Antipolis depuis 1992. Elle a d’ailleurs été ainsi la deuxième femme chef de projet à l’INRIA.
En 1995, avec l’avènement du web comme moyen privilégié de diffusion des connaissances, les travaux du projet ACACIA se sont élargis à la construction de serveurs de connaissance sur le web, et la construction de mémoires d’entreprise. La gestion des connaissances est ainsi devenue le fil conducteur de ces travaux. ACACIA a été l’un des premiers projets dans la communauté « ingénierie des connaissances » à saisir dès 1998 l’importance du web sémantique. Il a proposé une approche originale de gestion des connaissances reposant sur le web sémantique. L’ouvrage collectif d’ACACIA sur la gestion des connaissances est une référence reconnue.
Pierre Haren fondateur d’Ilog, promotionnaire de Rose Dieng à Dakar et son collègue à l’INRIA se souvient de son parcours fulgurant et brillant mais aussi en même temps de sa grande modestie.
Michel Cosnard, directeur de l’INRIA Sophia Antipolis dit de Rose Dieng-Kunz :
« Au-delà de la personnalité exceptionnelle de Rose Dieng-Kuntz et de l’exemplarité de son parcours académique et professionnel, soulignons les qualités de visionnaire de cette scientifique qui a su s’attaquer, il y a plus de dix ans, au problème de la modélisation des connaissances et de leur acquisition. Au lendemain de l’invention du web et bien avant sa diffusion planétaire, quelle perspicacité pour entrevoir ses applications, comprendre ses limitations et déchiffrer son évolution ! C’est faire preuve non seulement d’une remarquable audace scientifique et d’une grande confiance en soi, mais aussi d’un rare esprit d’indépendance que de sortir de la voie royale de l’académisme pour se lancer SEULE sur le sentier difficile et risqué de l’inconnu et de la découverte ».
Valérie Pécresse ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, exprimait sa tristesse à la disparition de Rose Dieng-Kunz en ces terme : « La France et la science viennent de perdre un esprit visionnaire et un talent immense ». Certes mais que dire du Sénégal et de l’Afrique, alors ? La ville de Nantes a rendu un grand hommage à Madame Dieng-Kunz en baptisant une rue à son nom, qu’attend le Sénégal pour lui rendre un hommage mérité ?
Cette grande dame, véritable génie d’Afrique, est sans doute partie trop tôt. Puisse-t-elle inspirer des générations de sénégalais et sénégalaises et aussi d’africains.