Cousin et gendre du Prophète Muhammad, ‘Alî ibn Abû Tâlib est, comme lui, issu du clan hashîmite de la tribu mecquoise des Quraysh. Né aux alentours de l’an 600, ‘Alî entretient avec lui une relation particulièrement proche : en effet, fils d’Abû Tâlib, l’oncle et le protecteur de Muhammad considéré comme un père par ce dernier, ‘Alî est, parmi ses nombreux cousins, celui qui fréquente le plus le futur Envoyé de Dieu, tant avant qu’après la révélation coranique.
Si l’Histoire a retenu son nom comme la cause de la division entre sunnites et chiites, il est toutefois, aussi, l’un des quatre califes rashîdûn (« Bien-Guidés ») reconnus par le sunnisme.
‘Ali est l’un des tout premiers convertis à l’islam – selon une certaine tradition avérée aussi bien dans le sunnisme que dans le chiisme, il serait même le premier homme à avoir embrassé la religion musulmane, après la première femme de Muhammad, Khadîja – et fait partie des muhâjirûn qui accompagnent Muhammad à Médine. La même année 622, il épouse Fâtima, fille du Prophète et de Khadîja, devenant ainsi le gendre de ce dernier.
La mort de Muhammad laisse ‘Alî à l’écart du pouvoir, puisque sa succession est rapidement confiée à Abû Bakr. Sous les trois premiers califes, il n’exerce pratiquement aucune fonction ni politique, ni militaire il se distingue toutefois, selon la tradition, par sa compétence en matière religieuse. Se servant notamment de la Sunna – c’est-à-dire la coutume du Prophète, comprenant ses paroles et ses actes – il contredit le calife ‘Uthmân lorsque celui-ci tente d’introduire des réformes religieuses et sociales.
Lorsque celui-ci est assassiné en 656, ‘Alî ne prend pas position : ce refus de désavouer le meurtre d’un calife lui fait de l’ombre, notamment auprès du parti des Umayyades auquel appartenait ‘Uthmân.
La confusion qui suit le voit choisir comme calife par une partie seulement des Médinois – alors que le mode d’élection au califat exige, depuis Abû Bakr, le consensus des élites de la ville ; deux groupes puissants s’opposent à lui, d’une part les Umayyades, et d’autre part une fraction des Gens de la Maison regroupée autour de la troisième épouse de Muhammad, Aïsha, et de Talha et al-Zubayr, deux parents d’Abû Bakr qui revendiquent le califat au même titre que ‘Alî. Immédiatement, ces derniers quittent Médine pour Basra où ils constituent une armée. À Médine même, malgré leur départ, ‘Alî ibn Abû Tâlib reste en position de faiblesse : les Umayyades refusent de lui prêter allégeance tant que le meurtre de ‘Uthmân demeure impuni, et la coalition même qui l’a porté au pouvoir est formée de personnalités hétérogènes ayant chacune ses propres ambitions et intérêts à préserver.
Le temps de son califat est celui d’une rupture déterminante au sein de l’islam naissant, qui va orienter une bonne part de son histoire à venir.
Dès avant la fin de l’année 656, l’armée de ‘Alî vainc ses opposants rassemblés autour d’Aïsha dans un grand affrontement près de Basra, qui débouche sur la mort de Talha et d’al-Zubayr. Ce combat est retenu dans l’histoire sous le nom de « Bataille du Chameau », en référence à l’animal sur lequel Aïsha se juche pour exhorter les troupes : selon la tradition – rapportée notamment par Tabarî – ce n’est qu’après avoir fait couper les jarrets du chameau, dont la vue exaltait les combattants adverses, que ‘Alî put emporter la victoire.
La position du calife n’est toutefois pas assurée pour autant, puisque reste encore l’opposition du clan umayyade. Celle-ci trouve un nouvel élan avec la prise de commandement de Mu‘âwiya, l’un des gouverneurs favorisés par le népotisme de ‘Uthmân ; redoutant de perdre son prestigieux et riche gouvernorat de Syrie, Mu‘âwiya prend la tête de l’opposition à ‘Alî et rassemble à son tour une armée. C’est la première guerre civile entre musulmans, appelée en arabe « al-Fitna al-Kûbra » (« la Grande Discorde »). Après l’arbitrage avorté de la bataille de Siffîn, en 657 – qui n’avait pu aboutir à aucun compromis, et avait mené une partie des combattants de ‘Alî, les khârijites, à faire sécession – Mu‘âwiya parvient finalement à s’imposer en se présentant comme le seul à pouvoir rétablir l’ordre au sein de la communauté musulmane : il est nommé calife en 660, et l’assassinat de ‘Alî en 661 consacre sa victoire. C’est le début du règne des Umayyades.
« N’es-tu pas satisfait d’être envers moi ce qu’Aaron était pour Moïse, excepté qu’il n’y aura pas de Prophète après moi ? » cette phrase du Prophète PSL et la comparaison entre ‘Alî et Aaron par rapport à Muhammad et Moïse est interprétée par les chiites comme le signe que ‘Alî, à l’instar d’Aaron, doit succéder à son mentor à la mort de ce dernier et guider la communauté de croyants pour fonder une entité politique.
Après sa défaite et son assassinat par un khârijite en 661, les partisans de ‘Alî conservent leur conviction qu’il était le premier successeur légitime de Muhammad, et que doivent désormais lui succéder ses héritiers : ils deviennent alors les chiites, de l’arabe « shî‘a » (« parti »). Le rôle fondamental de cette lignée dans le chiisme s’explique par la conviction que Muhammad aurait confié à ‘Alî le sens « caché » du Coran et de la révélation, secrets que seuls peuvent désormais transmettre les descendants directs du calife.
source : les clefs du moyen orient