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Rencontre avec le professeur Cheikh Tidjane NDOUR : La campagne de vaccination contre Ebola lancée le 15 mai 2015

La campagne de vaccination contre Ebola lancée le 15 mai 2015

Professeur Cheikh Tidjane NDOUR, médecin

« A propos du nouveau vaccin, on n’injecte pas Ebola, ni le microbe tué, ni le microbe atténué, mais un fragment, une protéine qui appartient au virus » .
Médecin militaire, infectiologue au service des maladies infectieuses au CHU de Fann, le Professeur Cheikh Tidjane N’Dour a suivi le cursus classique comme bon nombre des professionnels de la santé. Après des études primaires et secondaires à Kaolack, il réussit d’office son entrée à l‘Ecole Militaire de Santé de Dakar et intègre ainsi le cercle restreint des « hommes de tenue ». En 1990, il est reçu au concours de l’internat pour être nommé ensuite en 1993, Assistant à la faculté de médecine de Dakar. Ce sera finalement en 2006 que ses efforts furent sanctionnés par une agrégation. Il nous dit tout dans cet entretien sur le nouveau vaccin anti-Ebola!

logo itw:Quel est votre rôle dans la gestion du cas Ebola, détecté ici à l’hôpital Fann?

Pr. C.T.N. : Pour le cas détecté ici, il s’agissait d’une gestion d’équipe. Personnellement, je peux dire que je n’étais pas impliqué directement. Il y a eu nos cadets qui ont eu à gérer ce cas-là ! J’en profite pour leur rendre hommage pour la façon dont ils se sont investis sans relâche pour circonscrire la maladie. En ce qui me concerne, j’ai eu à m’investir pendant un mois dans un centre de traitement d’ Ebola, au niveau de la Guinée Conakry.

logo itw:Quels sont les dispositifs qui ont été pris pour éviter la propagation du virus ?

Pr. C.T.N. : Ce sont d’abord les dispositifs pris par le ministère de la Santé qui se déclinent en plusieurs mesures au niveau des structures de santé, mais aussi au sein de la communauté. La règle globale, c’est vraiment les mesures d’hygiène élémentaires, d’où le fait d’insister sur l’importance de se laver les mains, d’éviter de se serrer les mains, d’avoir le réflexe de recourir aux structures de soins au moindre signe d’alerte. Et surtout au niveau des structures de santé, d’être toujours prêts, quand on considère que tant que la maladie sévit dans la sous-région, elle peut resurgir à tous moment au Sénégal.

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:Un vaccin contre Ebola est en cours d’utilisation. Comment et avec quels moyens vous êtes arrivés à développer ce vaccin ?
Pr. C.T.N. : En réalité, le vaccin a été développé par des laboratoires. On a l’impression que c’est un nouveau vaccin, mais depuis des années déjà, on travaille sur le vaccin aux USA, au Canada et en Suisse. Mais puisque Ebola est une infection strictement localisée en Afrique centrale notamment au Congo, la communauté internationale ne se sentait pas réellement impliquée ou concernée.

logo itw: Alors quelle est la cause de ce revirement de situation de la part des occidentaux ?

Pr. C.T.N. : Aux USA par exemple, ils ont fait des recherches par rapport à ce virus, mais c’est surtout dans le souci de contrer une éventuelle arme bio terroriste. Il y avait déjà quelque chose puisque le Canada avait aussi développé son vaccin. Mais c’est avec l’épidémie de 2014 et l’apparition des cas en Europe et aux USA, qu’il était devenu évident qu’ Ebola n’était plus une question africaine, mais internationale. L’OMS a compris cela et a décrété en août 2008, qu’il s’agissait une urgence sanitaire de portée internationale. C’est dans ce contexte qu’elle a invité tous les grands laboratoires à s’investir pour la recherche, à collaborer pour la mise en place d’un vaccin et d’un traitement efficace.

logo itw: Vous allez lancer le 15 mai prochain une campagne de vaccination d’ Ebola, parlez nous du vaccin proprement dit…
Pr. C.T.N. : Pour ce vaccin en cours d’utilisation à Dakar, ce vaccin utilise juste un fragment, une protéine qui appartient au virus Ebola. Et donc quand on l’introduit dans l’organisme avec un autre vecteur, cela va créer la formation d’anticorps.

logo itw: Qu’est-ce que cela veut dire ?

Pr. C.T.N. : On a tellement assimilé Ebola à la mort que quand on parle de vaccin Ebola, les gens ont peur. On n’injecte pas Ebola, ni le microbe tué, ni le microbe atténué. Il n’y a pas de risque de contracter le virus avec ce vaccin. Et pourtant, les gens ont l’habitude de la vaccination, c’est strictement pareil. Encore une fois, ce vaccin ne va pas entraîner Ebola, parce qu’il n’y a pas le virus dans ce vaccin.

logo itw: La campagne sera pour bientôt, mais est-ce qu’il y a eu auparavant une phase test ?

Pr. C.T.N. : Le processus de la mise en place d’un vaccin, respecte des étapes. Celui-là, les a respectés aussi. La première étape, c’est le test chez l’animal pour vérifier la tolérance, les effets secondaires graves et ensuite, on évalue la production d’anticorps pour voir si effectivement le vaccin protège. Lorsque les résultats sont concluants chez l’animal, on passe à la phase « un » qui consiste à injecter d’abord chez une centaine d’hommes le vaccin. Ces phases ont déjà été faites aux USA, en Angleterre, en Suisse, en Allemagne, au Mali, au Ghana et au Kenya. Pour une fois, on a déjà testé chez les Européens. Bien entendu, la phase « un » a donné des résultants concluants, mais ce qui reste à vérifier, c’est pendant combien de temps, il protège l’organisme. C’est la phase « deux ». Et pour cela, il faut des centaines d’hommes, proches de la zone d’épidémie. Le Sénégal fait partie de ces 8 pays visés. Donc, cette phase « deux » vont concerner 3 000 adultes et 600 enfants.  

logo itw: Donc, il s’agit bien de 3600 personnes qui seront vaccinés. Quel sera le processus du choix de ces personnes?

Pr. C.T.N. : Le choix sera simple, puisqu’on a vu que c’est un vaccin bien toléré, on n’éliminera pas beaucoup de gens, juste les femmes enceintes, ceux qui ont une maladie chronique qui n’est pas équilibrée… Sinon, tout le monde est impliqué. Le choix est basé sur le volontariat ; toutes les informations sont données d’avance dans le cadre d’une campagne de communication.

Propos recueillis par Yacine SANE 

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