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Isabel dos Santos, grandeur et décadence d’une « princesse »

Fille de l’ancien président angolais, Isabel dos Santos vit une descente aux enfers. En cause, la lutte contre la corruption menée par le nouveau chef de l’Etat, Joao Lourenço.

Sur le tapis rouge du Festival de Cannes ou sur la scène de conférences économiques mondiales, à New York ou Barcelone, la « princesse » brillait. Intronisée première femme milliardaire d’Afrique par Forbes il y a sept ans, Isabel dos Santos aimait incarner cette Afrique qui réussit par elle-même. « Ma fortune est née de mon caractère, mon intelligence, mon éducation, ma capacité de travail et ma persévérance », insistait encore, en début d’année, la femme d’affaires angolaise formée à Londres. Rarement un mot pour rappeler la contribution de son père, José Eduardo dos Santos, président de l’Angola pendant presque quatre décennies (1979-2017)…

« C’est une ‘fille de’ qui s’est construite une image de self-made-woman, malgré les zones d’ombre qui entourent son ascension spectaculaire », raconte la journaliste Estelle Maussion, auteure de La dos Santos Company (Karthala, 2019). Des diamants au pétrole en passant par l’immobilier et les télécommunications, son empire n’a cessé de s’étendre. Sa fortune s’élève aujourd’hui à 1,2 milliard d’euros.

Accusée de corruption, elle dénonce un procès « injuste »

« Injustes », « inexactes » et fondées sur des « faux ». Mise en cause pour corruption, la femme d’affaires a lancé, via ses avocats, la riposte contre les enquêtes qui la visent dans son pays, au Portugal et dans la presse.

La milliardaire Isabel dos Santos, fille de l’ex-président de l’Angola, déjà sous le coup d’une enquête judiciaire dans son pays, est accusée d’avoir « siphonné les caisses du pays » dans une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Un tissu de « mensonges », selon elle.

Fer de lance de la contre-attaque, un de ses conseils britanniques, Dan Morrison, a décortiqué le dossier de la justice angolaise et assure qu’il est totalement vide.

« Isabel a été visée par un tsunami d’allégations venues d’Angola sur la base de documents secrets […] et de faux », a résumé l’avocat londonien dans un entretien accordé jeudi à l’AFP. « C’est manifestement injuste et inexact […], elle n’a jamais eu la chance de se défendre ».

Sa milliardaire de cliente est le symbole de la petite élite qui a fait fortune sous le long règne (1979-2017) de son père, Jose Eduardo dos Santos, à la tête du deuxième pays producteur pétrolier d’Afrique subsaharienne.

Depuis trois ans, Isabel dos Santos, 47 ans, est devenue une cible du nouveau président Joao Lourenço. Au nom de la lutte contre la corruption, le chef de l’État l’a écartée sans ménagement de la présidence de la compagnie pétrolière nationale Sonangol, dès la fin 2017. Et en décembre dernier, un juge civil angolais a ordonné le gel des comptes bancaires et des actifs d’Isabel dos Santos et de son époux d’origine congolaise, Sindika Dokolo, dans une pléiade de sociétés angolaises. Le parquet général de Luanda explique alors enquêter sur des transferts de fonds suspects des entreprises publiques Sodiam (diamant) et Sonangol, qui « ont bénéficié à des compagnies étrangères dont les accusés sont les bénéficiaires ».

« Mensonges »

À l’époque, le ministère public estimait à plus d’un milliard de dollars le montant des fonds publics détournés. Il l’a aujourd’hui réévalué à 5 milliards de dollars. Fin janvier, l’affaire a pris un tour planétaire avec la publication par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) d’une enquête, les « Luanda Leaks », qui l’accuse sur la base de plus de 700 000 documents piratés d’avoir « siphonné les caisses du pays ».

Isabel dos Santos a alors aussitôt dénoncé sur Twitter des allégations truffées « de mensonges évidents, d’erreurs et d’omissions » et « motivées politiquement ».

Dans la foulée, la justice portugaise a elle aussi gelé les comptes de Mme dos Santos et certains de ses actifs au Portugal, où elle a investi dans la banque et les télécommunications.

En difficulté, la « Princesse » ainsi que l’a baptisée la rue angolaise, s’est offert les services d’avocats prestigieux et de communicants spécialisés dans la gestion de crise pour défendre son empire et son honneur. Au cœur du dispositif, Dan Morrison a entrepris de démonter la procédure qui a permis le gel de ses avoirs.

Selon leurs conseils, Mme dos Santos et son mari ont sollicité la justice angolaise pour obtenir l’annulation du gel de leurs avoirs dans le cadre de la procédure civile.

L’entourage d’Isabel dos Santos affirme par ailleurs n’avoir pas eu accès à l’acte d’inculpation annoncé en janvier contre elle par la justice angolaise pour des « détournements de fonds » dans le cadre de ses fonctions de PDG de la Sonangol.

Cependant, la justice française a rendu ce 26 janvier 2021 une décision défavorable à la femme d’affaires angolaise. En effet, la cour d’appel de Paris a rejeté son recours en annulation d’une sentence arbitrale qui l’obligeait à payer, avec ses coactionnaires au sein de l’opérateur, plus de 600 millions de dollars au portugais PT Ventures, ex-autre actionnaire.

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