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Hommage à Serigne Abdoul Aziz Sy : Tivaouane pleure Al Amine !

La nouvelle est tombée comme un couperet ce vendredi 22 septembre  2017 et celle là a des relents d’un mauvais polar américain. Par deux fois dans la même année, la communauté tidjane perd son khalife général.

En effet, au mois de mars dernier, quand Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine nous disait, alors qu’il venait tout juste  de succéder à son frère Al Maktoum à la tête du khalifat, « j’accepte la sentence divine et j’accepte de vous accompagner un petit bout de temps », personne ne se doutait qu’il parlait de sa disparition 6 mois après.

L’illustre disparu est le fils de Mame Khalifa Ababacar Sy, 2ème khalife de Seydi El hadj Malick Sy RTA fondateur de la famille Sy de Tivaouane et chef de file de la tarikha tidjane au Sénégal, et de Sokhna Astou Kane de la grande famille maraboutique de Kaolack car fille de Serigne Abdoul Hamid Kane.

Abdoul Aziz Sy Al Amine, la bibliothèque de Tivaouane

Serigne Abdoul Aziz « junior » comme aimaient à l’appeler affectueusement ses proches en référence à son homonyme, le 3e khalife, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, a été très tôt la cheville ouvrière de la famille. Né en 1927, on raconte qu’à l’âge de dix ans déjà, il devenait le confident de son père, le vénéré Khalifa Ababacar, et presque son secrétaire. Il a fait ses humanités à Tivaouane et il raconte lui-même que son père a été son seul maître. Il a tout appris de lui. Très attaché à sa famille et aux préceptes de la tarikha, il a porté très tôt le boubou de défenseur de la Tidjanya !

L’homme a traversé le siècle grâce à une éducation coranique et spirituelle solide, une compréhension de la société sénégalaise très fine qui ont fait de lui l’accompagnateur de tous les chefs d’état du Sénégal (de Senghor à Macky Sall) et un régulateur social à nul autre égal. Maintes et maintes fois, il a désamorcé des crises dans le secteur de l’éducation, de la santé et même dans le domaine politique. Les sénégalais savaient, quelque soit leur corporation, leur syndicat ou leur parti politique, qu’en période de tension, ils trouveraient une oreille attentive à Tivaouane. Et cela, avant même que Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine ne devienne khalife général. Il a perpétué le legs de son père en consolidant les « dahiras » ; ces écoles de pensées soufies dans lesquelles on « fabriquait » le talibé modèle : celui qui connaît sa religion, ses droits et devoirs, celui qui a le sens de l’étique et du civisme.

Grâce à lui, les « dahiras » ont quitté la sphère sociale pour intégrer les entreprises et aujourd’hui, elles aident beaucoup à asseoir une culture d’entreprise  et à faire respecter la responsabilité sociétale des entreprises du Sénégal. Un modèle typiquement sénégalais de gestion entrepreneuriale qui a devancé de loin les sciences nouvelles de gestion de projet ou de gestion de ressources humaines enseigné actuellement dans les universités occidentales !

En vérité, Serigne Abdoul Aziz Sy al Amine a incarné le khalifat  bien avant d’en avoir le titre ! Ses contemporains sont unanimes à dire que Tivaouane vient de perdre son vrai khalife. Pendant plus de 70 ans il est resté en charge de l’intendance de Tivaouane et de  l’organisation du Mawlid, le grand rassemblement religieux qui fête l’anniversaire de la naissance du Prophète PSL. En effet, très tôt son père Khalifa Ababacar Sy (RTA) l’avait choisi comme « bras droit » et à sa succession, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh en fera son porte parole, ce qu’il restera par la suite, lors du règne de ses deux frères aînés Serigne Mansour Sy borom darayi et Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum.

La dimension spirituelle de Al Amine a été reconnue au-delà de nos frontières tant, il a donné des conférences sur la Tidjanya en Algérie, au Maroc, dans des pays européens et en Arabie sans compter le nombre incalculables de disciples qu’il a converti à la Tidjanya en Amérique.

Mais, en réalité, ce qu’on retiendra le plus de lui, c’est son humanisme. Il a été le chantre du dialogue des religions au Sénégal. Il a tout fait pour apaiser les relations de rivalités que les disciples voulaient créer entre les deux plus fortes confréries : la Tidjanya et la Mouridya. Car pour Serigne Abdou, il s’agissait là plus de perpétuer les relations de famille qui existent entre les familles SY et MBACKE que de parler de leadership confrérique. Il était surtout persuadé, au fond de lui, que rien ne pouvait se comparer  à la Tidjanya ; voilà pourquoi on n’a jamais pu l’entrainer dans ce débat « stérile ».

Très attaché à sa mère, il aimait à me répéter que les « KANE » sont ses vrais parents. Ces derniers, j’en suis sûre, se glorifient aussi de compter comme leur parent cet éminent et illustre homme qui, jusqu’à 90 ans, a été le véritable perpétuateur de l’immense œuvre de Seydi El Hadj Malick Sy RTA !

Fidèle, humble et obéissant à l’égard de ses aînés et prédécesseurs, l’illustre homme n’a jamais discuté un ordre venant d’eux, se comportant toujours en vrai talibé devant ses aînés, malgré sa carrure et sa popularité auprès des disciples et de l’ensemble du peuple sénégalais. Allant partout où ils l’envoyaient en mission pour porter la bonne parole ou dénouer un quelconque conflit, il sillonnait le pays et le monde en fidèle représentant de la famille Sy. Il me raconta ainsi une fois avec humour, qu’il ne se départissait jamais de son petit sachet de « ndiorndi » (couscous de mil séché, qui, une fois mélangé à du lait ou même de l’eau, se radoucit, gonfle et rassasie parfaitement son détenteur) lors de ces voyages, car, ne connaissant pas les habitudes alimentaires de ses futurs hôtes, et ne voulant surtout pas embarrasser ces derniers avec des exigences alimentaires qui pouvaient peut-être leur coûter cher, il préférait se munir de son « ndiorndi » pour se rassasier discrètement une fois seul.

C’était cela aussi Al Amine, un homme plein de sagesse, d’humilité et d’égards envers son prochain. Mais aussi un érudit très ferme sur les principes de l’islam et de la tarikha tidjaniya et qui s’efforçait jusqu’à son dernier souffle de les inculquer à ses proches et aux disciples de la voie.

Reposes en PAIX  Al Amine, le digne de confiance !

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