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Histoire du Senegal : 18 décembre 1962 fin du bicephalisme

En 1962, la situation entre Senghor Président de la République et Mamadou Dia Président du Conseil et chef du gouvernement était des plus tendus. Ce bicéphalisme à la tête de l’état ne pouvait durer longtemps. Mamadou Dia chef du gouvernement détenait le vrai pouvoir et un bras de fer invisible mais réel opposait les deux hommes et leurs sympathisants respectifs. Entre autres raisons aussi, la France avait très mal apprécié le discours que Mamadou Dia, revenu de Moscou, avait tenu à Paris.

Des incidents éclataient de plus en plus entre les partisans des deux hommes et des attaques étaient orchestrées par les deux parties. Par exemple à Kaolack, le docteur Doudou Ba (partisan de Senghor) médecin régional ennemi juré de Me Waldiodio Ndiaye Ministre de l’intérieur, (partisan de Dia) s’est vu attaqué par une bande d’agresseurs conduite par le préfet et le chef de service de l’ONCAD, qui sont venus saccager sa maison. Doudou Ba en déplacement à Dakar, les agresseurs furent accueillis par son frère Kéba Ba, une tête brulée, qui ouvrit le feu sur eux et créa une débandade des voyous qui laissèrent sur place casques et chaussures.

Le lendemain, l’ordre est venu de Dakar, d’arrêter le docteur Doudou Ba pour coups et blessures bien qu’il fut absent et en état de légitime défense. Il fut arrêté et mis en prison. Dans le même temps Ibrahima Seydou Ndao, maire de Kaolack, président du conseil territorial et premier soutien de Senghor, avait été extrait de son domicile de Dakar et renvoyé sous escorte à Kaolack en résidence surveillée, avec interdiction de bouger ou de faire des déclarations. Cet acte se fit concomitamment avec l’arrestation de certains députés, dont Magatte Lo, Abdoulaye Fofana et André Guillabert car, sur ordre de Senghor, ils s’apprêtaient à voter une motion de censure pour faire tomber le gouvernement de Mamadou Dia.

Pour éviter que les députés votent une motion de censure contre lui, Mamadou Dia ordonna la fermeture de l’Assemblée Nationale par un peloton de la gendarmerie. Le Président de l’Assemblée Me Lamine Guèye convoqua aussitôt les députés à son domicile pour les y faire voter la motion contre Mamadou Dia. Dès lors, la destitution du gouvernement devenait juste et indubitable. Cet acte se justifiait par la fermeture de l’Assemblée, et Senghor pour avoir la tête de Dia attendait juste que ce dernier pose un acte qui viole la constitution et c’est ce qui venait de se passer avec l’ordre venu de Dia de fermer l’Assemblée Nationale.

Les évènements se précipitèrent alors. Tandis que Waldiodio Ndiaye, Ministre de l’intérieur, donnait l’ordre à la garde républicaine d’aller arrêter Senghor, le Président de son côté avait saisi le capitaine parachutiste Pereira pour demander à l’armée, en l’occurrence les parachutistes, de cerner au building, Dia et ses Ministres, qui s’y trouvaient en réunion de crise.

Les deux parties demandaient à leurs partisans de leur rester fidèles. Du Building Mamadou Dia donnait l’ordre aux gouverneurs des régions de lui rester fidèles tandis que Senghor demandait à l’armée d’obtenir l’adhésion de ces derniers à sa cause. Petit à petit la situation a basculé en faveur du Président Senghor, de même, plusieurs chefs coutumiers qui, la veille prêtaient allégeance à Mamadou Dia avaient retourné leurs boubous le lendemain pour déclarer fidélité à Senghor.

Mamadou Dia est arrêté le lendemain par un détachement de paras-commandos, avec quatre autres ministres, Valdiodio N’diaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall. Ils sont traduit devant la Haute Cour de justice du Sénégal du 9 au 13 mai 1963 ; alors que le procureur général ne requiert aucune peine, il est condamné à la prison à perpétuité tandis que ses quatre compagnons sont condamnés à 20 ans d’emprisonnement ; ils seront détenus au centre spécial de détention de Kédougou (Sénégal oriental). Ils seront graciés en mars 1974 et amnistiés en avril 1976.

Extraits de la biographie du Gouverneur Moustapha Kane

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