Edito du mois de mai 2015
Un 1er Mai sur fond de crise scolaire.
Les fêtes du travail se succèdent et se ressemblent. Mêmes défilés, mêmes slogans, mêmes revendications… Dans deux jours, les << festivités >> seront lancées un peu partout à travers le pays pour commémorer cette journée qui a perdu au fil des ans un peu de sa symbolique. Y aura-t-il du changement cette année? Tout porte à ne pas le croire vu la conjoncture générale. Le spectre d’une année blanche plane sur le système éducatif sénégalais. La faute est imputable à la situation conflictuelle qui prévaut entre le gouvernement et certains syndicats enseignants. L’Ecole sénégalaise, victime de deux « irrédentismes », à savoir ceux de l’Etat et des syndicats est confrontée de manière structurelle à un sérieux défi de gestion et de pilotage de la qualité et assaillie de toutes parts par des soubresauts révélateurs d’une profonde tension sociale.
Disons le net, l’école sénégalaise ne fait pas que traverser une crise, elle s’est installée dans un chaos absolu. Le système éducatif claudique à tel point que le Sénégal risque de ne plus être le creuset légendaire d’une solide élite de cadres intellectuellement et techniquement compétents. Le tableau n’en est que plus sombre: formation au rabais par des enseignants le plus souvent incultes, démotivation et désintérêt pour les études chez les apprenants, désespérance des parents d’élèves, fréquentes et longues grèves font état de ce système éducatif en décadence pernicieuse. Toute une génération est entrain d’être sacrifié par les acteurs de l’école à savoir : l’Etat qui « préfère sauver l’année pour son honneur et non sauver l’école pour l’honneur de la nation » et les organisations syndicales enseignantes déterminées à remporter vaille que vaille et dans un contexte de crise économique planétaire, leur bras de fer avec l’Etat, quel que soit le prix à payer par cette même école.
Pourtant il faudra bien poser le débat en termes concrets et s’inscrire dans une dynamique de sauvegarde de l’école sénégalaise si on veut offrir un avenir à la Nation.
Malgré la ferme volonté des ministères de l’Education et de la fonction publique de sauver vaille que vaille l’année scolaire 2014/2015, l’incertitude plane toujours sur les têtes des potaches. Si, pour les établissements privés, on est fin prêt à aller aux examens à date échue, dans les établissements publics, certains élèves rechignent à «abdiquer» le combat pour une année blanche imposée par une insuffisance de quantum scolaire.
Les élèves du Sénégal ont un droit à une éducation normale qu’aucune revendication et aucun entêtement ne sauraient remettre en question. Dans le contexte national et international où l’excellence est devenu un impératif imposé à tous les systèmes éducatifs, ce n’est certainement pas en effectuant des horaires à minima par suite de grèves répétées ou avec des maîtres et professeurs rétifs aux innovations pédagogiques que l’école va améliorer ses performances.
Bien sûr que les syndicalistes ont du flair, et lorsqu’ils préssentent devant eux un ministre prêt à « acheter » la paix même dans des conditions ou la raison et l’éthique de la profession n’est plus de mise, il va de soi qu’ils sont entrain de favoriser la marchandisation de l’école, prise perpétuellement en otage par des revendications toujours d’ordre alimentaires. Il faudra bien un jour examiner l’adéquation entre la formation des enseignants et leurs besoins réels ainsi que l’efficacité et la qualité du travail de chaque enseignant On peut aussi difficilement passer sur les conditions de travail des élèves à la maison et la relative indifférence des parents hébétés par la vie chère, vis-à-vis du travail scolaire et de son suivi quotidien. Les familles doivent se rappeler leur devoir d’éducation qui leur incombe au premier chef. Il est grand temps qu’au cœur de la réflexion sur l’école et les antivaleurs, se pose la question de l’éducation et de la citoyenneté et des modèles à promouvoir afin de « façonner positivement l’esprit humain ». Ceci est le grand défi à relever.
Autant les syndicats doivent faire des concessions, autant le pouvoir en place doit cesser la fuite en avant et les supputations politiciennes. Osons seulement espérer que cette année scolaire ne sera pas encore une simple formalité administrative, car aujourd’hui le seul message qui vaut la peine d’être délivré est celui de la raison, de la paix et de la réussite pour nos chérubins à qui nous éviterions ainsi les affres de la désespérance et de l’immigration clandestine.
Et pour l’Etat, ce serait « un coup d’honneur face au coup d’horreur qui sacrifie toute une génération »