Me Thierno Mamadou Kane est notaire spécialisé dans le droit immobilier. Nous allons régulièrement nous rapprocher de lui pour nous aider à décortiquer et connaitre nos droits et nos devoirs selon la législation sénégalaise. Aujourd’hui, nous nous pencherons avec lui sur le droit successoral, c’est-à-dire l’héritage, qui pose très souvent un énorme problème dans notre société.
Notre premier cas de figure portera sur un bien immobilier laissé par un parent à ses enfants de même père et mère.
Bonjour Maître. Une personne décède, disons un père de famille et laisse un bien immobilier à ses enfants. Comment faut-il procéder ?
La première chose à savoir c’est que quand une personne décède et laisse un bien immobilier, même si les enfants sont de même père et mère, il faut procéder à la mutation du bien au nom des héritiers. La plus grosse erreur que les gens font dans notre pays, c’est de laisser le bien au nom du parent disparu en se disant : « il n’y a pas de problème, c’est une maison de famille, et puis on s’entend bien ». La vie est longue et pleine de surprises, il faut donc prendre un maximum de précautions pour éviter des problèmes plus tard.
Très bien. Maintenant quelles sont les dispositions à prendre ?
La première démarche à faire c’est de chercher les papiers suivants : un bulletin de décès (fourni par l’officier d’état civil), un jugement d’hérédité (au tribunal) où est mentionné les noms de tous les héritiers, et enfin un certificat de non opposition ni appel (au tribunal). Munis de ces papiers, les héritiers choisiront un notaire pour muter la maison à leurs noms. Ainsi, les héritiers deviennent copropriétaires du bien. C’est ce qu’on appelle l’indivision successorale.
Autre chose qu’il faut savoir, c’est que si c’est une famille musulmane et qu’elle décide de faire prévaloir la succession selon le droit musulman les parts ne seront pas égales, ce sera 2 parts pour les garçons et une part pour les filles.
Cela veut-il dire que les héritiers vont gérer la maison ensemble, par exemple si elle est louée ?
Non, les héritiers devront plutôt signer une convention d’indivision en nommant un gérant parmi eux qui se chargera de parler au nom de tous les autres et qui devra gérer le bien. Ainsi, ce sera au gérant de recevoir le loyer si le bien est loué et de partager l’argent entre les copropriétaires indivis.
Maintenant que se passe-t-il si un des héritiers veut sa part du bien ?
Il faut savoir que : la loi dispose que nul n’est sensé demeurer dans l’indivision. Tout copropriétaire indivi peut demander le partage à n’importe quel moment. Dans ce cas, la famille peut faire évaluer le bien par un expert immobilier, fixer la quote-part qui revient au demandeur et la lui verser. Par contre, les autres copropriétaires sont prioritaires. Donc un autre membre de la famille peut racheter la quote-part de son frère ou sa sœur. C’est ce qu’on appelle le droit de préemption en matière d’indivision. Cela permet d’éviter que la personne vende sa quote-part à une personne étrangère à la famille.
Aussi, dans ce cas, le juge peut allouer un délai de paiement pouvant aller jusqu’à 3 ans pour verser au demandeur son argent. Mais, dans le cas de figure où les autres n’ont pas les moyens de racheter la quote-part de celui ou celle qui veut vendre, les héritiers seront obligés de vendre la maison et de se partager l’argent.
Quel autre problème peut-il se poser même si les héritiers s’entendent bien et décident de garder leur bien ?
Si les frères et sœurs ne font pas de partage successoral, cela expose la famille à être confronté à l’entrée des petits enfants, dans l’héritage si un des héritiers disparaissait en laissant des enfants. Parce que dans ce cas de figure, les petits enfants vont reprendre la quote-part de leur parent et peuvent à leur tour demander le partage, car n’ayant peut-être aucun attachement affectif avec ce bien.
Que faire alors pour éviter tout cela ?
Pour éviter tous ces désagréments, il est conseillé à la famille de créer une société et de transférer le bien à cette société. Les héritiers peuvent à ce moment avoir des parts sociales ou des actions. Cela permet de mieux organiser l’indivision. Si quelqu’un le veut, il peut vendre ses parts ou action mais les associés seront toujours prioritaires.
Merci Maître. A très bientôt pour la suite !