La souveraineté alimentaire implique que l’on puisse choisir ce qu’on mange, la manière dont on le produit et la manière dont on le consomme. Elle inclut la priorité donnée à la production agricole locale pour nourrir la population. Le « consommé local » ne peut être vu qu’en réponse à une demande de consommation. Si la réduction de la dépendance alimentaire du Sénégal doit être un objectif politique, la satisfaction des consommateurs est l’un des piliers de la transition alimentaire d’un système tourné sur les importations massives à une réponse locale aux besoins. Il y a nécessité pour les produits locaux de mieux valoriser leurs apports nutritionnels, leurs qualités gustatives et culturelles et leurs apports économiques au pays. Une telle démarche doit être accompagnée par l’Etat via des mécanismes de régulation des importations à l’image de ce qui peut se faire sur la filière oignon et pomme de terre et la sensibilisation des consommateurs en partenariat avec les organisations professionnelles des filières et les représentations de la société civile et les médias.
Si tous s’accordent à constater la précarité des conditions de travail des agriculteurs et des éleveurs, par défaut de financement et d’équipements, l’absence de politique efficace de valorisation et de promotion du « consommé local », et l’appétit vorace des Sénégalais pour les produits « venus d’ailleurs » inquiètent. Et pourtant partout à l’échelle planétaire, le Consommer local n’a jamais eu autant le vent en poupe. Assurément, il existe de nombreux avantages à consommer local: c’est bon pour la santé, l’environnement, l’économie et le lien social… au niveau local et global.
« Manger local, c’est retrouver un lien au temps, aux saisons, aux saveurs. Consommer local, c’est manger sain et bio en évitant tous produits chimiques et toutes formes d’OGM, c’est créer des filières de production et de transformation en exploitant de façon rationnelle les ressources du terroir dans une perspective de développement durable. C’est valoriser les produits par la mise en place de tissus industriels novateurs alimentés par les produits, sous-produits et intrants locaux. C’est aussi redonner une nouvelle âme à notre artisanat d’art sous toutes ses formes dans une perspective de labellisation et de promotion culturelle et touristique.
Le consommer local, tant du point de vue de la production des denrées alimentaires que des produits artisanaux moins onéreux et plus sains peut être un puissant levier de développement économique et social du pays. Dans la mesure où nous consommons des produits locaux, nous stimulons un essor de la production locale. Nous contribuons à créer des emplois et à réduire le chômage, car la production locale a besoin de beaucoup de bras et de têtes.
C’est surtout participer à l’équilibre de la balance commerciale structurellement déficitaire d’une part, à la compétition mondiale par l’offre de produits locaux en quantité et en qualité d’autre part. Mais consommer local, c’est aussi être exigeant avec soi-même en termes de production, de productivité, de quantité et de qualité, de rapport qualité-prix, de respect des normes de qualité, de respect des engagements contractuels tant au niveau national qu’au plan international. Ce rapide survol des points saillants qui fondent le concept du consommer local nous donne une idée sur l’importance primordiale de mener une réflexion stratégique sur les tenants et aboutissants. Cela suppose naturellement une approche participative, à la fois inclusive, pluridisciplinaire, multisectorielle au regard de la complexité de cette problématique et des enjeux qu’elle induit en termes d’indépendance économique, d’autosuffisance alimentaire et de sécurité sur des produits stratégiques. Il va sans dire que dans cette démarche de prise en charge de nos produits locaux, l’Etat a une responsabilité de tout premier plan que lui confère la mission de recherche de l’indépendance économique après l’accession à l’indépendance politique. Développer le label sénégalais et lui permettre de participer au marché mondial en créant de la valeur ajoutée à notre économie constitue un impératif de tout premier ordre. Cela passe naturellement par l’organisation et la valorisation des filières, l’arrêt ou la limitation temporelle des produits concurrents en misant sur la préférence nationale. Cela suppose également de s’inscrire dans une démarche-qualité en encourageant la production en quantité et en qualité, en assurant la disponibilité et la garantie des produits ainsi que leur accessibilité. Pour ce faire l’Etat devrait revisiter les textes législatifs et règlementaires, s’assurer de la conformité des conventions et protocoles internationaux avec ces lois nationales et les réalités socio-économiques. La question des droits d’auteur, des droits de propriété et de la protection des savoirs et des savoir faire locaux doit à cet égard constituer l’axe central du dispositif encadrant le consommer local.
Promouvoir le consommer local suppose aussi nécessairement la mise en place d’un partenariat dynamique entre l’Etat, les acteurs du consommer local, la presse et la recherche qui doit assurément être réhabilitée et replacée au centre du dispositif.. Ce serait là un bel exemple de partenariat gagnant-gagnant qui pourrait être profitable à toutes les parties prenantes à cette coalition nationale pour le consommer locale.
A debbosénégal, engagement citoyen oblige, nous sommes tous devenus des locavores, résolument.
Bienvenue dans le club !