Qui était Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum de par sa filiation ?
Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum est un des petits fils du vénéré El Hadj Malick Sy qui a implanté la tarikha tidjanya au Sénégal après son vénéré prédécesseur El Hadj Oumar Foutiyou Tall.
El Hadj Malick Sy a eu cinq fils dont l’aîné était Sidi Ahmed Sy, suivi de Khalifa Ababacar Sy, de Serigne Mansour Sy, du Khalife Abdoul Aziz Sy et de Serigne Habib Sy. Le fils aîné d’El Hadj Malick devait disparaitre en France lors de la première guerre mondiale. En effet, quand le colonisateur est venu lui réclamer ses jeunes disciples pour les emmener à la guerre, El Hadj Malick Sy a préféré leur remettre son propre fils, bien qu’ayant le sentiment de ne plus jamais le revoir.
Sidi Ahmed disparu, le second fils d’El Hadj Malick Sy, Ababacar Sy devenait le responsable et protecteur de ses jeunes frères. La suite on le sait : à la disparition de son père, El Hadj Malick Sy, Ababacar Sy deviendra le deuxième Khalife de la Tidjaniya au Sénégal. Khalife de 1922 à 1957, Khalifa Ababacar Sy a marqué son époque. Homme à la dimension mystique impressionnante, Khalifa Ababacar a tenu tête aux colonisateurs français qui n’ont eu d’autres recours que d’en faire un allié. Il eut plusieurs fils dont l’aîné Serigne Moustapha Sy Jamil s’était installé à Fass (un quartier de Dakar), qui sera suivi de Serigne Mansour Sy appelé Borom Darayi, de Cheikh Ahmed Tidiane Sy, le Khalife qui vient de nous quitter, de Sidi Ahmed Sy, homme pieux et discret vivant à la rue Amadou Assane Ndoye à Dakar, de Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, le nouveau Khalife général des Tidjanes et de Pape Malick Sy porte-parole du défunt Khalife.
Le Khalife Cheikh Ahmed Tidjane Sy était un homme multidimensionnel. Erudit du Coran car ayant été à la bonne école, celle de son père, il était aussi mystique que ce dernier, mais était aussi doublé d’une personnalité de grand intellectuel, maitrisant le français et l’arabe. C’était également un homme d’affaires et un homme politique. Bien avant les indépendances et jusqu’à nos jours, il a marqué son époque, intervenant sur le plan politique dans le conflit qui opposa Mamadou Dia au Président Senghor, mais aussi s’opposant à ce dernier en créant son propre parti, le Parti de la Solidarité Sénégalaise, ce qui lui valut d’ailleurs après contestation d’élections, d’être incarcéré. Il sera par la suite nommé ambassadeur en Egypte. Il n’hésitera pas dans le monde arabe à affronter les plus grands érudits et fera de même dans le monde occidental. Bacary Sambe, docteur en sciences politiques et chercheur à la Maison de l’Orient méditerranéen, Université Lumière Lyon2, relevait dans un article que « Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum fut présenté par les éditions Dâr Makbat al-Hayat de Beyrouth en ces termes : ‘il est actuellement parmi les hommes qui oeuvrent pour l’intérêt des musulmans et de l’humanité. Il bénéficie de l’estime et de l’amitié sincères de tous les leaders du monde arabe. Ils l’estiment pour sa vision, ses qualités humaines et sa sagesse politique ».
Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum aimait à dire que : « le choix le plus facile pour un musulman c’est de se contenter d’être un bon musulman, en respectant ses cinq prières par jour, et en faisant régulièrement son zikr. Mais la voie la plus difficile est celle de choisir d’aller affronter les autres, qui sont plus nombreux que les 2 milliards de musulmans que nous sommes, qui disposent de plus savants, de plus de philosophes, de plus d’argent et de moyens de manière général et qui sont prêts à en découdre avec vous et vous démontrer que votre Prophète n’est rien, que votre livre sacré n’est rien, que votre religion n’est rien ». Lui était allé à la rencontre de ces gens-là et leur a toujours porté la contradiction laissant ses interlocuteurs sans voix ou à cours d’arguments. Il disait aussi : ’’Ce n’est pas parce qu’il y a des incultes parmi les Occidentaux et des révoltés parmi les Musulmans que tout doit s’écrouler. Il faut aider les uns et les autres à être moins récalcitrants’’.
Mais le Khalife était aussi un homme d’affaire. Pour lui, être marabout ne signifiait pas vivre de l’assistance de ses disciples. Le marabout se devait de travailler et de gagner son propre argent. Producteur d’arachides dans le Saloum (centre), il s’est ensuite intéressé à l’industrie (huilerie et tomate en conserve) avant de devenir actionnaire majoritaire dans l’unique cimenterie du pays à l’époque, la SOCOCIM à Rufisque. Aussi, sont évoqués ses intérêts passés dans les secteurs du transport. Jamais en odeur de sainteté avec les politiques, sa brouille avec le régime d’Abdou Diouf lui vaudra bien des ennuis dans son activité au sein de la cimenterie.
A la disparition de son aîné le Khalife Serigne Mansour Sy Borom Darayi en 2012, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy devient Khalife. Son khalifat sera marqué par…son absence ! En effet du moment de son intronisation jusqu’à sa disparition il y a deux jours, le Khalife n’est apparu nulle part, laissant la direction des affaires de Tivaouane à son cadet Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine. Cependant, malgré un silence assourdissant et une absence de la scène religieuse, tous sentait sa présence à travers les messages qu’il faisait parvenir à son frère lors des Mawlid al Nabi organisés à Tivaouane ou tout autre événement majeur. En effet, depuis 2011 il avait arrêté d’animer le Gamou ou Mawlid organisé au champ de courses de Tivaouane, laissant ce grand événement entre les mains de son fils Serigne Moustapha Sy. Cependant ses messages rassuraient les sénégalais sur sa préoccupation du climat social du pays et sur les prières qu’il formulait pour la paix au Sénégal. Aujourd’hui il a passé le flambeau en des mains sûres comme celles de Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, la relève est donc assurée, mais ce qui est sûr c’est que la dimension mystique de ce saint homme nous manquera à jamais.
Voici une phrase de Serigne Cheikh à méditer : « L’homme est le premier projet de Dieu et sa dernière créature. A travers lui, le Seigneur témoigne de son omniscience que tout fidèle doit méditer. Le règne de l’aveuglement généralisé rend nécessaire pour le musulman un retour aux sources divines : Allah, le Prophète et le Coran. Tout ce qui peut sauver l’être humain, c’est sa détermination à prêter attention aux pouvoirs du Seigneur et Dieu a fait de son envoyé (le prophète Mohamed) un sol vierge pour l’avènement du Coran’’.
Repose en paix cher Khalife !