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Briser le silence sur l’impact des menstrues sur les activités scolaires et économiques des femmes

Tabous, non-dits, croyances, ignorance, manque d’hygiène et manque d’infrastructures adéquates accompagnent encore dans plusieurs coins du Sénégal la période des règles chez les femmes. Pour nous citadines, intellectuelles, cette étude menée par l’USAID nous semble invraisemblable à notre époque, et pourtant c’est hélas une réalité bien plus répandue que ne le prouve l’enquête menée principalement dans deux villes du Sénégal : Louga et Kédougou.

L’étude a ainsi démontré à quel point avoir ses règles est encore un casse–tête pour les femmes dans plusieurs localités. En effet, beaucoup de femmes interviewées ont affirmé que l’apparition des règles s’accompagne de beaucoup de problèmes qui bloquent ou ralentissent sensiblement leurs activités scolaires et économiques. Il faut dire que la plupart des sociétés dans le monde considèrent le sang des menstrues comme impur et donc les femmes sont, durant la période de leurs règles, impures et pas fréquentables. Parmi les problèmes soulevés on peut citer :

LE PROBLEME DES CROYANCES
ELEVES JEUNES redim (1)

jeunes filles en milieu scolaire

Les croyances religieuses 

Chez les musulmanes, ces croyances suivent les préceptes de l’Islam et sont donc indiscutables. C’est ainsi qu’il est formellement interdit à la femme qui a ses règles de faire les choses suivantes :

  • De prier
  • de jeûner
  • d’entrer dans une mosquée
  • d’accomplir certains rites durant le pèlerinage à la Mecque,
  • et aussi bien sûr, la femme qui a ses menstrues ne doit pas avoir des relations sexuelles.

Ces croyances sont partagées par toutes les femmes musulmanes de par le monde. Cependant, elles ne sont pas mises au ban de la communauté pendant cette période comme c’est le cas dans certaines de nos cultures.

Les croyances culturelles :

Les croyances culturelles ne reposent pour la plupart sur rien du tout mais ont la vie dure ! Ainsi donc on peut citer parmi ces croyances le fait que :

  • La femme en menstrues ne doit pas préparer à manger pour la famille.
  • Elle ne doit pas dormir dans le lit conjugal avec son mari jusqu’à ce qu’elle soit propre.
  • Elle ne doit ni préparer du yaourt, du beurre de karité ou de la mayonnaise car cela ne prendra pas.
  • Elle ne doit pas aller aux champs, sinon la récolte sera mauvaise.
  • Elle ne doit pas tresser les cheveux de quelqu’un sinon sa cliente risque de perdre ses cheveux
  • Si elle utilise des serviettes hygiéniques, elle doit les laver avant de les jeter car on peut utiliser le sang pour lui jeter un mauvais sort, « la marabouter » et la rendre stérile.
  • Le sang des menstrues attire l’or donc dans la région de Kédougou, par exemple, les chercheurs d’or essaient d’avoir des relations sexuelles avec les femmes qui ont leurs règles moyennant beaucoup d’argent pour trouver un bon filon.
  • Par contre, si la femme a des relations en période de règles et qu’il arrive qu’elle tombe enceinte, elle accouchera d’un albinos ou d’un enfant maudit !
  • La glace, l’eau ou autre boisson fraiche coagulent le sang menstruel.
  • Les arachides, l’hibiscus (bissap), le thé, et les sodas (coca cola) augmentent le flux menstruel.
  • Le citron, le vinaigre, les aliments amers ou acides diminuent le flux menstruel.
  • Le gombo provoque des vomissements.
  • Le sucre augmente les douleurs menstruelles.

Tous ces éléments sont donc prohibés durant la période des menstrues. Non seulement ces croyances sont difficiles à ôter des têtes des populations hommes comme femmes, mais en outre, elles obligent les femmes à interrompre leurs activités créatrices de revenus durant cette période, ce qui constitue un manque à gagner considérable.

LE PROBLEME DE  SANTE

Le deuxième problème est d’ordre sanitaire. Beaucoup de femmes  utilisent des linges qu’elles lavent, plutôt que les serviettes hygiéniques car elles croient  que ces dernières créent des infections et rendent stériles. Malheureusement, c’est au contraire les linges qui sont utilisées et qui sont lavées et séchées dans des endroits sombres et humides, à l’abri de tout regard, qui créent des infections, car ce sont les mêmes linges qui sont réutilisées chaque fois. Séchées à l’abri du soleil, les bactéries s’y développent aisément et provoquent des infections. Malades, il n’est plus alors question pour  les femmes d’aller à l’école, ou de mener une quelconque activité lucrative.

LE PROBLEME DES INFRASTRUCTURES INADEQUATES
toilettes insalubres en milieu scolaire

toilettes insalubres en milieu scolaire

Le manque d’infrastructures adéquates est aussi un gros problème. Beaucoup de femmes arrêtent toute activité si dans leur environnement de travail il n’y a pas d’infrastructures sanitaires adéquates. L’étude menée a démontré que :

  • plusieurs femmes vendeuses au marché s’abstiennent d’y aller par défaut de toilettes propres et adéquates pour se changer
  • jusqu’à 60% de filles scolarisées ratent au moins un jour d’école pendant leurs menstrues si ce n’est tous les jours que durent leurs règles par défaut de toilettes propres et fonctionnelles. C’est aussi le cas des enseignantes. Elles préfèrent rester discrètement chez elles pour pouvoir se changer plus facilement plutôt que de venir à l’école où souvent en plus de toilettes mixtes qu’elles doivent partager avec leurs collègues hommes, ces lieux sont sales, sans portes ou qui ferment mal, il y a également très souvent des coupures d’eau.
  • Parmi ces femmes handicapées par le défaut d’infrastructures, les malvoyantes sont encore plus défavorisées, car elles ne peuvent pas voir si leurs habits sont tâchées, ou si elles ont bien lavé leurs linges. Par pudeur, elles hésitent à demander aux autres de regarder pour elles, donc cette catégorie de femmes arrête toute activité durant leurs règles.

Tous ces éléments contribuent fortement au ralentissement des activités éducatives et économiques des femmes et cette étude traduit une volonté de rendre la question des menstruations plus visible pour une meilleure prise en compte dans les politiques.

Pour le respect des droits humains des femmes, pour le bien-être de celles-ci mais aussi des communautés dans lesquelles elles vivent, il incombe à tous, y compris aux décideurs, praticiens et professionnels des secteurs de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement (WASH), de la promotion des droits de la femme, de la santé, de l’éducation, et de l’environnement, de briser le silence.

 

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