Il l’avait promis lors de sa Déclaration de politique générale en novembre 2014. Quatre mois plus tard presque jour pour jour, le Premier ministre s’est présenté hier devant l’Assemblée nationale, avec des ministres, pour une séance inédite de questions d’actualités et d’interpellations sur les orientations de la politique gouvernementale.
Dans le climat de confrontation politique en cours entre pouvoir et opposition, les attentions immédiates concernent plusieurs sujets : traque des biens mal acquis, perturbations universitaires et scolaires, dossier Suneor, difficultés de la campagne de commercialisation de l’arachide et conséquences sur le vécu des populations rurales, menace de grève générale des agents de la santé, etc. Mahammad Abdallah Dionne, s’il a pu compter sur la solidarité des députés de la mouvance présidentielle, a dû prendre en charge une part du débat public sur la sortie gênante de l’ambassadeur de France à Dakar à propos du verdict attendu du procès de Karim Wade.
Que valent les femmes députées ?
L’Assemblée nationale du Sénégal est l’une des plus féminisées au monde (64 députées sur 150, soit un taux de plus de 43% du total) au sortir des élections législatives du 1er juillet 2012, dans la foulée du départ d’Abdoulaye Wade et de l’arrivée au pouvoir de Macky Sall. Au niveau mondial, elle est derrière le Rwanda (64%), Andorre (50%), Cuba (49%), Seychelles, selon une étude réalisée en 2013 par l’Union Interparlementaire (UIP). Mais le leadership mondial est assuré par la Suède en dépit d’un taux de 44% au Parlement de Stockholm : dans ce pays nordique où les traditions féministes sont très ancrés, le système discriminatoire des quotas au profit des femmes n’existe pas.
Chez nous, l’occasion est ainsi belle, encore une fois, de s’interroger sur le travail des femmes députées. Celles-ci, titulaires d’un mandat national qui les consacre comme représentantes de tout le peuple sénégalais, n’en restent pas moins, d’une certaine manière, les émissaires particulières de 52% de la population sénégalaise. Or, ce segment majoritaire doit faire face à des maux récurrents et spécifiques au caractère transversal et massif, en dépit des avancées significatives notées ces dernières années.
Selon les défenseurs de la gent féminine, la persistance des inégalités économiques et sociales entre les deux sexes, l’accès difficile des femmes à la terre alors qu’elles sont un levier principal des productions agricoles et maraîchères, leur faible représentation dans les postes de décision, une application peu rigoureuse de la loi sur la parité, restent des tares essentielles sur lesquelles des progrès sont encore à faire.
Introspection
Dans cette institution très critiquée au sein de l’opinion publique, les femmes occupent aujourd’hui plusieurs postes de responsabilités. Pour certaines, il est généralement admis qu’elles ont le niveau et le background nécessaires pour exécuter les missions qui leur sont dévolues. Pour d’autres, par contre, les incertitudes demeurent à propos de leurs compétences, pour dire le moins… Enferrées dans les mécanismes classiques du jeu partisan, elles n’en sortent que pour défendre des sujets qui leur sont d’intérêt commun, comme la parité par exemple.
Dans le courant de cette douzième législature, il ne serait pas inutile que les femmes parlementaires, dans une démarche systémique et transpartisane, procèdent à une évaluation objective de leurs propres actions en s’appuyant sur la portée et les limites de leur influence sur les politiques publiques débattues dans l’hémicycle. Les résultats de cette introspection ne risquent pas d’être fameux avec le plafond de verre qui trône au-dessus des têtes dans l’hémicycle. Mais, comme dirait l’autre, il n’y a pas meilleur moyen de progresser et d’arracher de nouvelles conquêtes que de savoir ce que l’on vaut.